Construit au chantier CDK sous la direction de Hubert Desjoyeaux, Géant a réclamé 30 000 heures de travail, concerné une quarantaine de personnes et nécessité quelques trois tonnes de carbone. Issu de moules existants – ceux de la coque de Bonduelle (Jean Le Cam), des flotteurs de Belgacom (Jean-Luc Nélias), des bras de Foncia (Alain Gautier) – ce plan Van Peteghem/Lauriot Prévost marque cependant sa différence avec la concurrence sur quelques points peu visibles à l’œil du profane.

Michel et son équipage espèrent pouvoir mettre le cap sur Zeebrugge pour participer au Grand Prix de Belgique (du 11 au 14 juillet). En août, Mich Desj effectuera sa qualification en solitaire en vue de la Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum avant de rejoindre la Normandie pour le Grand Prix de Fécamp (12/15 septembre).

Interview de Michel Desjoyeaux

En moins de quatre ans tu viens de vivre deux constructions – PRB et Géant – quelles différences entre les deux ? :
 MD : « Ces deux bateaux ont peut-être la même longueur mais la largeur du trimaran et le nombre de pièces nécessaires font que c’est plus compliqué. D’ailleurs il a nécessité deux fois plus d’intervenants pour sa construction. J’espère qu’il nous apportera au moins autant de bonheur. La différence c’est également que PRB était conçu pour une course et un utilisateur spécifique alors que là le programme est plus varié. On doit également réfléchir à moyen terme pour faciliter les évolutions à venir. C’est comme tenter de regarder dans une boule de cristal. Nous avons par exemple décidé de renforcer certaines zones en sachant que dans deux ans, lors d’évolutions éventuelles, le travail sera facilité. »

Barrer le trimaran d’une grande enseigne d’hypermarchés cela t’ inspire quoi ?
 « Que c’est encore davantage de responsabilités. Que je dois, vis à vis de tous les salariés du groupe, le respect du travail fourni. J’espère sincèrement ne pas les décevoir ».

Quelles sont les différences avec la concurrence ?
 « Nous avons essayé de réfléchir en terme d’aérodynamisme et pas seulement en hydrodynamisme. Nous avons considéré que ce qui se fait actuellement dans ce dernier domaine est largement optimisé alors que ce n’est pas le cas pour tout ce qui concerne la progression dans l’air. Nous avons également apporté un soin particulier à l’ergonomie du pont mais c’est encore perfectible. Nous avons réfléchi au centrage des poids, un élément important sur des multicoques car ils ont tendance à tanguer dans le clapot. Nous avons essayé de travaillé sur la simplification des préréglages notamment en terme de haubanage pour assurer une meilleure tenue du mât. Enfin les appendices, et notamment le safran central, ont retenu toute notre attention. Nous n’avons rien inventé mais donné des fonctions inhabituelles à certaines pièces que nous dévoilerons plus tard ».

Faire ce baptême à Port la Forêt était important ? :
 « Géant est basé ici car j’habite ici, mes enfants vont à l’école ici, la baie qui abrite le port est celle sur laquelle j’ai appris à naviguer. C’est aussi pourquoi j’ai tenu à donner à Géant le N°29, celui du Finistère. Baptiser un voilier c’est aussi le raccrocher à une origine. A un lieu, des gens et une famille, car si Géant est l’œuvre de toute une équipe, disons qu’il l’est quand même plus particulièrement de deux personnes qui sont originaires d’ici, et frères de surcroît… ».

Justement, avec Hubert ce travail a été fraternel ?
 « Les gens qui ont travaillé sur ce projet se sont vite rendus compte qu’un Desjoyeaux pouvait en cacher un autre… Nous avons la même logique, la même forme d’esprit. Nous avons envie de faire pareillement avancer un projet en ne nous satisfaisant pas du « déjà existant », des plans déjà effectués. Nous sommes dans le domaine de la compétition et donc de la recherche de l’excellence. Il faut savoir remettre sans cesse en question les solutions adoptées la veille. C’est ce que nous avons fait presque quotidiennement : avant que le chantier n’ouvre à 8 heures, je retrouvais Hubert dans son bureau et nous discutions, nous faisions des croquis. Nous ne nous sommes jamais engueulés mais nous avons eu des désaccords et là nous tentions de comprendre pourquoi l’autre pensait ainsi. C’est fructueux. En résumé nous avons la même politique : celle des empêcheurs de tourner en rond ».

Interview de Hubert Desjoyeaux, responsable du chantier CDK

Ton sentiment sur ce travail avec Michel ?
 « Nous y pensions depuis longtemps. J’ai essayé d’apporter ma petite pierre au moulin. On verra le résultat… En tous les cas cela a été un sacré plaisir. Il y a quatre ou cinq ans nous avions déjà dessiné un trimaran ensemble. Géant reprend pas mal de choses conçues alors. J’ai construit beaucoup de bateaux mais c’est vrai que notre expérience commune, nos liens ont fait que je me suis plus impliqué côté conception. »

C’est un client difficile ?
 « Non et pour deux raisons : Michel sait ne pas mettre de pressions inutiles à ses fournisseurs et, surtout, techniquement il sait de quoi il parle. C’est un énorme avantage partagé par peu de marins, ce qui est assez normal puisque ce n’est pas leur métier premier, mais cela simplifie considérablement les choses. Et puis nous vivons le bateau de la même façon, avec la même philosophie. En règle générale, nous recherchons la simplicité. C’est sûr que pour moi ce bateau va compter plus particulièrement ».

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