La petite reine du monocoque poursuit son chemin... vers Pointe à Pitre

Photo : G.Martin-Raget/Promovoile

Et c’est en larmes que Karine Fauconnier (Sergio Tacchini) a raconté la première fortune de mer de sa carrière. Comme Loïck Peyron (Fujifilm), son flotteur tribord a explosé vers 9 heures du matin sur une vague, entraînant presque immédiatement la chute de son mât. Après avoir bataillé ferme pour laisser un bateau qui souffrira le moins possible dans l’attente de son remorquage, Karine devrait être embarquée sur un cargo avant la tombée de la nuit. Son Sergio Tacchini dérive désormais à mi-chemin entre Lisbonne et des Açores, distants tous deux de 400 milles.

Si le re-départ de Jean Le Cam (Bonduelle) de Camaret réjouit tout le monde, l’annonce des abandons définitifs de Frédéric Le Peutrec (Bayer CropSciences) et de Jean-Luc Nélias (Belgacom) jettent un nouveau froid sur la course.

Un seul skipper de la flotte de multicoques ORMA a incontestablement le sourire : il s’agit de Stève Ravussin (Technomarine), véritable rayon de soleil à lui tout seul. A présent solide leader, Stève voit le baromètre de son trimaran remonter en flèche, signe que, dès demain, il naviguera toutes voiles dehors, dans un vent qui méritera pleinement le nom d’alizé d’ici dimanche prochain. Ils ne sont plus que cinq multicoques ORMA à pouvoir espérer goûter pareil plaisir.

En monocoque, le bras de fer continue de plus belle entre les deux anglo-saxons. Ellen MacArthur (Kingfisher) et Mike Golding (Ecover) se livrent un duel d’anthologie (1 mille les sépare au classement de 16 heures), un duel qui laisse pantois Joé Seeten (Arcelor-Dunkerque). 208 milles derrière ce duo, Joé ne veut prendre aucun risque. Cette nuit, il a levé le pied dans cette très grosse mer, guettant la faute de ses deux adversaires. Elle n’a pas eu lieu, mais la route jusqu’à la Guadeloupe est encore longue. Ce qui n’empêche pas d’établir une première estimation d’arrivée, soit jeudi 21 côté multicoque et durant le week-end du 23/24 pour les premiers monocoques. Dans les deux classes, les records en temps ont de très fortes chances de tomber malgré les conditions exceptionnellement dures rencontrées Preuve s’il en est que la compétition sur l’eau n’a jamais cessé.

Les échos du Rhum

Avec cette nouvelle avarie survenue cette fois sur le flotteur de Sergio Tacchini, le doute s’est naturellement installé du côté du team Bayer CropSciences. Frédéric Le Peutrec, le skipper, venait juste de reprendre la mer sur son trimaran, similaire à ceux de Karine Fauconnier et de Loïck Peyron. Ne pouvant expliquer, sans une expertise poussée des flotteurs, les raisons de leurs casses, l’architecte anglais Nigel Irens n’ a pu que se joindre au doute qui a envahit l’ensemble des acteurs du circuit multicoque ORMA. Ainsi, après avoir lui aussi eu connaissance de la mésaventure de Karine, Marc Guillemot (Biscuits La Trinitaine - Ethypharm), équipé du même type de flotteur, a levé immédiatement le pied, retardant ainsi son arrivée sur l’île de Sao-Miguel (Açores). Outre le changement de ses voiles d’avant, Marc et son équipe d’assistance vont procéder à une vérification en profondeur de la plate-forme. L’escale pour Marc, qui a débuté à 15h48, va sans doute être plus longue que prévue.

En quittant Port La Forêt ce matin vers 7 heures, Jean-Luc Nélias (Belgacom), bien évidemment seul à bord, a heurté une des bouées de chenal qui parsèment ce plan d’eau. Cette collision a entraîné une avarie au niveau du foil Foil #foil et de son puits. « Après avoir pesé le pour et le contre, aussi sportivement que techniquement, et compte tenu des dernières nouvelles, il me semble responsable de me retirer de cette épreuve. Cela aurait été un non-sens de repartir avec un bateau n’offrant plus les garanties de sécurité nécessaire », a déclaré Jean-Luc dans un communiqué diffusé par son service.

Alors que Philippe Monnet (Sopra Group) et son équipe ont réussi le sauvetage de son trimaran, sauvetage effectué dans des conditions épiques, de nuit et par vent et mer encore très forts, Yvan Bourgnon (Rexona Men) va devoir encore patienter jusqu’à au moins dimanche prochain. Le bateau chargé de son remorquage est tombé en panne de moteur et a dû, à son tour, être remorqué, avec un retour à son point de départ, soit le port de Vigo. Lors de la vacation, Yvan attendait cette nouvelle échéance avec sérénité. Question mental, on peut en effet faire confiance à Yvan.

Claude Thélier (Région Archipel Guadeloupe) va lui aussi s’arrêter sur l’île de Porto Santo. Privé d’énergie depuis plusieurs jours, Claude pense arriver en milieu de nuit avec son trimaran de 50 pieds. Il espère repartir au plus vite. Pour mémoire, Claude avait réussi hier matin à monter dans son mât, à plus de 12 mètres de hauteur, par 60 nœuds de vent et une mer énorme. Cet exploit lui avait permis de renvoyer un bout de grand-voile et d’éviter que son trimaran ne soit drossé à la côte.

Nicolas Raynaud

 
 Karine Fauconnier (Sergio Tacchini), abandon classe ORMA : "Je suis dégoûtée. Depuis le début je fais le dos rond, je lève le pied et voilà, une vague a percuté mon flotteur tribord et ensuite ç’a été une avalanche de casse. Le flotteur, le mât,... tout est sans dessus dessous. Le but depuis est de sécuriser le bateau avant mon évacuation. J’ai essayé de couper tous les haubans et j’ai scié l’étai de solent le plus vite possible. Il ne fallait pas rester des plombes dehors. Le principal c’est que la plate-forme semble saine. »

 Régis Guillemot (Storage Tek), 1^er Classe 3 monocoque : « Ca va mieux que Karine. Malheureusement je suis à 180 milles d’elle, trop loin pour aller la chercher et je crois qu’il y a déjà du monde sur zone. La bonne nouvelle, c’est que ça commence à mollir et le « baro » remonte. Mon pilote a du mal à barrer dans cette mer désordonnée. Il me fait quelques sales coups. Le dernier en date est un empannage. Il m’a fallu un peu plus d’une heure pour remettre tout en ordre de marche. Je passe donc pas mal de temps à la barre et heureusement que je suis attaché sinon il y a longtemps que je serais parti avec une déferlante. »

 Alain Gautier (Foncia), abandon classe ORMA : « J’avais chargé les ballasts arrière et le mât était également basculé sur larrière. Je ne sais pas si cela est la cause de l’incident mais toujours est-il que le bras a explosé. Il y a maintenant une déchirure de 5-6 mètres sur le bras arrière tribord. L’eau est pas mal entrée par la coque centrale mais j’ai tout de même pu colmater le trou. C’est une très grosse déception pour moi ! »

 Michel Desjoyeaux (Géant), escale à Porto Santo depuis 16 heures : « On va faire un bilan général approfondi du bateau car je n’arrive pas à diagnostiquer là où je suis. Avec la mer qu’il y a, mieux vaut naviguer vite pour pouvoir s’appuyer sur le foil Foil #foil et soulager le bateau. Je navigue actuellement entre 15 et 23 nœuds. Le but pour le moment est d’arriver le plus vite possible à Madère. »

 
 Joé Seeten (Arcelor-Dunkerque), 3^e monocoque IMOCA Imoca #IMOCA  : " Enfin je n’ai plus ce régime de grains. Par contre, j’ai un peu de mal à suivre la cadence des deux britanniques de devant. Ils doivent attaquer assez fort pour tenir ce rythme. Il me faudrait une grosse molle pour pouvoir revenir sur eux mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Sinon, je me suis fait balayer par une déferlante qui a submergé le bateau sous 2 mètres d’eau. Je n’ai jamais vu ça. »

 Didier Muntuteguy (60^e sud), 4^e monocoque IMOCA Imoca #IMOCA  : « Je suis assez content de m’en sortir sans trop de casse. Les travaux effectués sur le bateau portent leurs fruits puisque maintenant j’arrive à faire de magnifiques surfs que je ne pouvais faire lors du Vendée Globe. Il est par contre impossible de dormir et de laisser le bateau sous pilote dans ces conditions. La mer est très forte, c’est très impressionnant. »  

 Hervé Cléris (Vaincre la Mucoviscidose), 3^e multicoque Classe 2 : « Je suis à 180 milles de Madère que je devrais atteindre demain matin. C’ est encore assez chaud dans le coin. Je suis toujours à la limite de l’enfournement. Je n’ai pourtant pas grand chose comme surface, 3 ris dans la grand-voile et rien devant. Je vais essayer de perdre le moins de temps possible à Madère. Autant dire qu’on ne me verra pas dans les bistrots du port. »  

 Patrick Favre (Millimage-Gédéon) : « Je me suis fait une belle frayeur. Le moteur a calé dans la nuit et n’est malheureusement pas reparti. Les batteries étaient quasiment à plat. J’ai alors préparé les cartes, à boire et à manger dans le cockpit puis direction la barre que je n’ai pas lâchée pendant la nuit. C’était ahurissant, j’avais entre 40 et 60 nœuds de vent avec 3 ris dans la grand-voile, 2 ris dans l’artimon et la trinquette. J’ai eu super froid en fin de nuit et je ne me voyais pas tenir comme ça jusqu’à Pointe à Pitre. J’ai plusieurs fois essayé de relancer le moteur et par miracle au 4^e essai il est parti. Je suis assez soulagé. Je vais maintenant piquer au Sud pour passer sous l’ anticylone sans me faire piéger dans la pétole. »