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Eric Bellion : "La peur a été présente pendant tout le Vendée Globe"

lundi 13 février 2017Information Vendée Globe

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Eric Bellion (CommeUnSeulHomme) a franchi la ligne d’arrivée du 8e Vendée Globe, lundi 13 février 2017 à 17 heures 58 minutes et 20 secondes (heure française) à la 9e du classement général. Premier bizuth, le marin de 40 ans boucle son tour du monde en 99 jours 04 heures 56 minutes et 20 secondes, sur un Imoca Imoca #IMOCA de la génération 2008 – l’ex DCNS-. Éric termine ainsi une giration de 28 048 milles sur l’eau, à la vitesse Vitesse #speedsailing moyenne de 11,78 nœuds.

Conférence de presse d’Eric Bellion (CommeUnSeulHomme)

C’est avec toute l’énergie positive qui le caractérise qu’Eric Bellion est arrivé en conférence de presse. Lors de cet entretien d’une heure, le skipper de CommeUnSeulHomme est revenu sur son périple, qu’il a savouré du début à la fin. D’autres challenges attendent désormais Eric Bellion, mais avant cela, il compte bien prendre quelques jours de repos et rencontrer les autres skippers de cette huitième édition du Vendée Globe.

J’ai ramené tant de choses… il va falloir faire un inventaire. J’ai vécu en trois mois ce qu’on vit en 10 ou 15 ans à terre. Dans la vie on a des soucis, il faut être créatif mais sur un Vendée Globe c’est quotidien. Tous les jours on a un problème et il faut trouver une solution pour le régler. Tous les jours de nouvelles expériences. Tous les jours on découvre une nouvelle facette de sa personnalité. J’ai ramené de la force, des antidotes contre la peur, de l’envie, une force créatrice. J’ai l’impression que ma vision de la vie est à 360°. Le Vendée Globe a changé ma vie.

La peur a été présente pendant tout le Vendée Globe, mais au même titre que le bonheur et pleins d’autres sentiments. La peur n’est pas un tabou. Quand on part sur un 60 pieds faire le tour du monde en solitaire, si on n’a pas peur, c’est qu’on n’est pas câblé comme tout le monde. La peur nourrit la créativité. Il y a aussi la peur d’avoir peur. Il y a quelques jours encore je me demandais comment j’allais faire pour terminer.

Il y a trois ans, j’étais en Antarctique et je me suis dit que j’allais faire le Vendée Globe. Je n’avais jamais navigué en solitaire. Je ne savais pas où j’allais. Avec le recul je ne sais pas si j’y serais allé. J’ai été voir Michel Desjoyeaux, j’ai acheté un bateau. Et tout à coup on se trouve une équipe et on est dans le chenal avec des dizaines de milliers de personnes. J’ai mis 5 jours à me sortir de ça. J’étais pétrifié. Les IMOCA Imoca #IMOCA sont des bateaux spéciaux. Après ça allait mieux. J’ai descendu l’Atlantique, j’ai retrouvé mes repères. Mais dans les mers du Sud c’est rebelote, est-ce que je suis capable d’y aller ? Je me disais « T’as pas emmené 14 mécènes pour arrêter là. » Le déclic c’était au large des Kerguelen, une grosse dépression arrivait très Nord. Soit je pouvais subir soit agir, c’est à dire partir plein Nord et surfer la dépression. « J’arrête d’avoir la trouille au ventre ! » Je me suis pris une énorme baston dans la gueule. J’ai eu un problème de moteur que j’ai dû résoudre en plein tempête.

A partir de ce moment là, j’ai commencé à écouter mon bateau. J’avais 200 milles de retard sur mes camarades et je les ai rattrapés en 2 jours. Je n’ai jamais cherché la performance mais juste l’harmonie avec mon bateau. Et il est tellement incroyable que j’ai vu qu’il partait tout de suite dès qu’on lâchait la bride. J’avais basculé dans un univers d’action et non plus de soumission.

Pour moi, le bateau est une personne. J’assume. Le bateau nous fournit protection, déplacement, nourriture, sécurité. Comment ne pas humaniser ce bateau ? Il a des sentiments. Il est content, il n’est pas content. Quand il y a un mauvais réglage, il me le fait savoir, il tape dans les vagues. Il s’appelle CommeUnSeulHomme mais son autre nom c’est Ruahatu, c’est un dieu polynésien de la mer. Il y a eu beaucoup de chocs avec des OFNI. Mais je me sentais protégé. Il parlait aux poissons et aux oiseaux et le chemin était clair, dégagé. L’océan m’a laissé passer.

Je ne me suis pas réjoui à l’idée d’arriver. J’étais tendu comme un arc jusqu’à la ligne. Je me disais que je devais rester vigilant, que tout pouvait arriver. Je m’étais quand même préparé à arriver, mais suite aux problèmes, je me suis interdit d’y penser. Je parlais à l’océan. Et je disais, « ok c’est toi qui décide, s’il faut passer deux ou trois jours en mer en plus, c’est toi qui décide ». Et en fait je suis passé dans un trou de souris.

Je n’irai pas faire un autre Vendée Globe et ça qui a rendu celui-ci unique. Je savourais chaque instant, même les galères.

Armel est un champion hors catégorie. Je n’ose même pas imaginer ce qu’ils ont vécu avec Alex. Ce sont des extraterrestres. C’est le rêve de participer à mon petit niveau à une course avec ces sportifs de l’extrême.

J’ai été très proche d’Alan Roura et Rich Wilson. Alan, c’est fou ce qu’il fait. Il est sur un vieux bateau et il est dans un groupe de bateaux plus jeunes. Il est incroyable ce garçon, il a un talent extraordinaire. Et Rich, non seulement il fait le Vendée Globe à 66 ans mais en plus il éduque des millions d’étudiants.

Je vais prendre quelques jours de vacances et je vais aller déjeuner avec chacun des skippers pour qu’on puisse parler.



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