Kitesurf

7 Questions Net à Dom Rivard

"J’ai dépoté entre 15 et 20 noeuds en pleine mer pendant plus de 9 heures !"

lundi 13 mars 2006Christophe Guigueno

Mercredi 22 février dernier, Dom Rivard a réalisé un officieux record du monde de distance parcourue en kitesurf. Parti du lagon de Saint François en Guadeloupe, il a glissé plein sud sur sa planche jusqu’à Saint Lucie en laissant la Martinique sur tribord. Il a ainsi couvert pas moins de 150 milles à une vitesse moyenne de près de 16 nœuds. Un superbe exploit que SeaSailSurf.com ne pouvait ignorer. Mail interview.


1°. Dom, peux-tu te présenter aux lecteurs de SeaSailSurf ?

 Dom Rivard : J’habite en Guadeloupe depuis 12 ans, sur l’ île de Marie-Galante, où j ’ai débarqué en 93 pour l’ arrivée de la Mini qu’ effectuait mon frère Fred sur le proto Militsa (ancien bateau de Michel Desjoyeaux). J’ai 39 ans, marié, 3 enfants. Je suis kiné de profession en libéral. Depuis l’âge de 5 ans, je navigue sur le bateau familial et donc j’aime la mer.

J’ai commencé la compétition par le 420 (qualif au championnat du monde aux Sables d’Olonne) puis en X4 (championnat de France) ; puis j’ai participé à la préparation de 2 Mini (1987 et 1993), ai terminé second à la transmanche en double de l’Aber Wrac’k sur Militsa ( la plus musclée de toutes en 93) ; à la suite de cela, j’ai découvert le triathlon et le cyclisme, au départ juste pour me défouler, mais qui prendra petit à petit beaucoup de place par l’ envie d’être toujours plus fort. C’est ainsi que j’ai récupéré le niveau National-Elite en 7 ans et participé en 2003 au Tour international de Guadeloupe.

Et ici, il y a Gaël, prof de Freekiteschool, donne des cours de Kite en 2004 à Mari-Galante. Instinctivement, je me suis donc rapproché de la mer. Hop, le virus est transmis !

2°. Qu’est-ce qui t’a donné envie de tenter un tel record de distance ?

 DR : J’ai entendu parlé des aventures de Manu Bertin. J’aime la glisse, la vitesse, la mer et j’ai un esprit hauturier... tout pour faire sortir le Kite des lagons, et rider sans limite ! C’est comme ça qu’est né le défi Freekite qui consite à établir un nouveau record du monde de longue distance en Kite.

3° Peux-tu nous résumer ce périple ?

 DR : Dans mon cas, outre le fait qu’il faille maîtriser parfaitement sa machine par des mois d’entraînement, le plus dur était de se retrouver à la fois organisateur et participant car c’est difficile à rendre crédible aux yeux des gens de par l’ enjeu de l’ aventure. Je remercie donc le Team BestFreekiteIST pour leur soutien. Car tu passes ta vie au téléphone... Et c’est le branle-bas de combat !

A j-4, quand la météo signale une éventuelle fenêtre météo valable en force et en direction, tu commences par perdre la qualité de ton sommeil et le stress monte de plus en plus. Tu deviens un routeur de carte marine, toutes les 3 heures. A 39 ans, je voulais un beau record, ce qui signifie mettre en place une logistique importante pour pouvoir partager ce défi avec le reste du monde. J’ai vécu un premier raid (107 milles nautiques) entre la Guadeloupe et la Martinique un mois auparavant pour faire des essais grandeur nature. En avant des grains, j’ai subi des vents de 30 noeuds en 16 m2 puis pétole avec 8 Noueds ! Pas drôle de se retrouver en train de nager à reculons au large contre la houle qui me faisant monter ou me poussant vers l’aile, tentait de la faire décrocher ! C’est donc la fenêtre météo qui est primordiale.

Par chance pendant le record, les conditions étaient optimales, vent de secteur NE, 18 noeuds renforçant 22 noeuds sur la fin de parcours ; temps dégagé, creux de 2 à 3 mètres, allure largue / grand largue ; je décide donc de partir en 16 m2 BEST BFK en autonomie complète : 4 litres d’eau, des barres de céréales et des tubes de glucose, une VHF et accompagné par un bateau sécu de 40 pieds ( 5 personnes à bord).

Une fois parti, c’est la concentration sur chacune des vagues qui reste la clé de la réussite. Dépoter entre 15 et 20 noeuds (pointes à plus de 24 noeuds) en pleine mer pendant plus de 9 heures ! Pour l’anecdote, le skipper m’a demandé de ralentir pour ne pas tout casser à bord... Cela m’ a fait sourire ! Cela m’a quand même valu 4 grosses chutes avec perte de la board, et une dizaine de " fesses dans l’eau ". Petit à petit, je sentais la fatigue s’installer avec quelques brûlures au niveau des mains et des pieds (ampoules) sur la fin du parcours. Pour seule compagnie, des dizaines de poissons volants qui prenaient leur envol, lors de mon passage. C’était magique.

Une fois la barre des 150 milles nautiques passée (en 9 h 31 soit une moyenne de 15.76 noeuds), j’ai navigué encore plusieurs centaines de mètres pour apprécier ce moment mais en vitesse réduite, sans plus aucune crainte, comme un dernier tour d’honneur. Une fois à bord, c’était un vrai moment de joie, qui vous prend les trips.

4° Quelle préparation spécifique faut-il faire pour pouvoir passer près de 10 heures sur une planche ?

 DR : Le plus important, c’est de développer une musculature d’endurance qui ne peut se faire que dans le temps. Du fait de mon passé sportif en triathlon, j’ai gagné 7 ans d’entraînement. Puis il a fallu l’ adapter sur les 8 mois précédant le record, à savoir :
 quand il n’y a pas de vent : course à pied pendant 1 h 20, VTT, home trainer (1 h 30 ), posture en statique avec les jambes à 130° pendant une heure (attention aux rotules), Wake pendant plus de 2 heures à 20/25 Noeuds sur 45 milles nautiques (là ça chauffe les cuisses, il faut encaisser la souffrance musculaire)
 quand il y a du vent : effectuer des sessions en autonomie complète en condition réelle, partir pour 3 heures de prés serré sur des bords de 20 minutes, surtoilé en long board, puis abattre au grand largue en envoyant toute la puissance de l’ aile en faisant vibrer les ailerons à plus de 20 noeuds. Je pars toujours dans un esprit de compétition où j’imagine que nous sommes trois rider et je suis le second... Il faut rattraper le 1er et ne pas se faire dépasser par le 3e ! Ça dépote donc à fond, avec de grosses chutes.

Faire un tel trip, c’est avant tout un amusement et donc une bonne préparation est importante pour pouvoir l’apprécier... et ne pas arriver dans un sale état :-) :-)

5° Ton record n’étant pas validable par la WSSRC, envisagerais-tu un Record sur 24 heures ?

 DR : Ce nouveau record n’étant pas validé, il ne restera que l’image d’une longue cheveauchée pour référence dans notre milieu. Pour faire valider un record par la WSSRC, il faut faire plus de 250 milles nautiques. Le calcul est vite fait : peut-on faire du Kite durant la période de jour pendant 16 heures et à 15 noeuds de moyenne sur une telle distance ? Sinon, il faut une organisation énorme avec des bateaux pour éclairer la mer (à suivre) !

Avec une bonne préparation, le physique doit tenir. Tout dépendra de la fenêtre météo. Mais Pensons d’abord à la barre des 200 milles nautiques, qui est plus qu’à ma portée, et c’est plus sage ! :-) :-)

6° Anne Quéméré va traverser l’Atlantique en "Ocean Kite" entre New York et Douarnenez ? Que penses-tu de son challenge ?

 DR : C’est un exploit de toute beauté, une aventure humaine hors du commun qui nécessite une grande préparation mentale. J’en suis émerveillé. Je donnerai beaucoup pour être au départ et la voire partir sur son engin et plus encore pour être à bord. Cela doit te changer la vie au plus profond de toi !!! Chapeau comme projet.

Mon état d’esprit est actuellement tout autre, je veux aller vite et loin, en utilisant une board classique et une aile. Ce sont donc 2 disciplines différentes.

7° En France, Bertin a traversé la Manche et la Méditerranée. Fred Duthil veut s’attaquer à son record de la Manche. Des chasseurs de Record en kitesurf... Une nouvelle activité ?

 DR : Je pense qu’ effectivement c’est une porte ouverture pour le Kite. Mais étant passé par là, il faut que la FFVL puisse nous offrir son soutien pour valider ces défis, car de plus en plus les records se resserreront, et malgré toute la confiance dans les Teams, il nous faut un arbitre. Sommes nous en avance sur notre temps ?


Voir en ligne : Plus d’infos sur Dom Rivard et sa traversée : www.freekite.fr



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