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Vendée Globe • S10

Riou s’échappe au large du Brésil

Le Cam se décale à l’est • Golding décroche

dimanche 16 janvier 2005Christophe Guigueno, Information Vendée Globe

La dixième semaine du Vendée Globe 2004-2005 pourrait être la semaine de la décision. Le Cam en tête au passage du Cap Horn s’est englué à son entrée dans l’Atlantique. Il a perdu son avance avant de tenter une option vers l’Est ? Choix à long terme ? Problèmes pour faire du cap ? Le skipper de Bonduelle reste muet. Pendant ce temps, Vincent Riou et Mike Golding passent le long des côtes. Golding prend même la tête de la course pour la première fois mais casse deux fois de suite sa drisse de grand-voile. Ecover handicapé, l’Anglais doit réparer et perd de précieux milles. Riou en profite pour s’échapper. La route à l’Est de Le Cam paye enfin quand la semaine se termine et que les deux premiers virent de bord pour attaquer tribord amurre les alizés de Nord-Est. Les trois leaders font désormais route vers l’équateur et le pot-au-noir qui devrait distribuer les as...

Dimanche 9 janvier : Vincent Riou nouveau leader • Mike Golding occupe la 2e place pour la première fois depuis le départ

« 33 ans, l’âge du Christ, c’est ce que m’a dit ma grand-mère ». Vincent Riou (PRB) a soigné son anniversaire mais l’issue immédiate ne faisait aucun doute pour lui. Avec un vent d’environ 20 nœuds qui l’obligera au moins jusqu’à demain à effectuer une navigation au près, son bateau ne peut rivaliser avec l’Ecover flambant neuf de Mike Golding. Celui-ci ne s’en cache pas, son bateau a été construit pour gagner le Vendée Globe et rien d’autre. Et pour Mike, cette course se gagne dorénavant dans cette dernière ligne droite, entre Cap Horn et Sables d’Olonne. « Je ne vais pas la ramener mais, avant le départ, j’avais prévu que nous pourrions être dans cette situation. Le passé proche et les autres courses plaidaient pour cela. Ils ne manquent qu’à l’appel VMI et Bilou (Roland Jourdain sur Sill et Veolia NDLR). Tous deux devraient être avec nous en ce moment. Aujourd’hui, nous assistons à un re-départ ». Jean Le Cam (Bonduelle) n’est guère surpris, même si d’évidence la pilule est dure à avaler. Le scénario un temps envisagé ne s’est pas déroulé comme prévu. « Ils ont touché du vent avant moi. Je le savais depuis un moment...Depuis le Cap Horn, la roue tourne un peu trop dans le même sens. C’est sûr qu’ils vont accroître leurs avances dans les prochains temps. C’est sur le long terme qu’il faut voir ». Le long terme se nomme la corne du Brésil, à 2100 milles des étraves, que le trio de tête pense atteindre d’ici 8 jours.

Un sixième Cap Horn dans le sillage de Dominique Wavre
Photo : Dom Wavre / Temenos

- Jean Le Cam (Bonduelle) : « Je suis monté dans mon mât et j’ai vu le dessus des albatros. Tout est ok, mais là haut, à la moindre vague, tu prends des coups. Je n’ai pas de solution pour les prochaines 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures . J’ai investi sur le long terme ».
- Vincent Riou (PRB) : « J’étais venu pour cela. Faut pas que je me plaigne. Notre métier, c’est la compétition. La pression existe dès maintenant et c’est sûr que l’on regarde encore plus les classements que dans le sud. Mais la pression sera peut être encore bien plus forte sur la fin. Il est tout à fait possible que l’on soit encore tous ensemble dans le golfe de Gascogne ».
- Mike Golding (Ecover) : « Dès demain nous devrions avoir du reaching, voir même des allures encore plus ouvertes. On a quelques bons jours pour engranger les milles. Comme c’est l’anniversaire de Vincent, je ne vais pas lui gâcher la fête. Mais demain, c’est mon anniversaire (rires) ».
- Sébastien Josse (VMI) : « La généralité est simple, avec deux bulles anticycloniques devant à négocier. Mais comme les modèles météo les font bouger sans cesse, ce n’est pas le cas. Je n’ai toujours pas le temps de m’ennuyer. Il n’y a pas encore longtemps, j’étais avec 2 ris et l’ORC, maintenant j’ai tout dessus, après une nuit horrible au vent arrière, avec 10 nœuds de vent. J’ai sorti mes voiles de la soute arrière pour les recentrer, l’intérieur est un bordel terrible mais j’ai quand même pris le temps de me raser. Donc pas le temps de s’ennuyer. Quand il n’y aura plus rien à jouer, je m’ennuierai sans doute, mais là je grignote et ça motive ».

• CLASSEMENT DU 09/01/05 10:00 GMT (11H00 PARIS)

Rg Nom Skipper Dist Arr Ecart
- 1 PRB VINCENT RIOU 5721,7 0,0
- 2 ECOVER MIKE GOLDING 5726,3 4,6
- 3 BONDUELLE JEAN LE CAM 5736,3 14,7
- 4 VMI SEBASTIEN JOSSE 6368,5 646,9
- 5 TEMENOS DOMINIQUE WAVRE 6677,7 956,0
- 6 VIRBAC-PAPREC JEAN-PIERRE DICK 7659,9 1938,2
- 7 SKANDIA NICK MOLONEY 8535,6 2813,9
- 8 ARCELOR DUNKERQUE JOE SEETEN 9089,9 3368,2
- 9 HELLOMOTO CONRAD HUMPHREYS 9449,6 3727,9
- 10 OCEAN PLANET BRUCE SCHWAB 9586,5 3864,8
- 11 MAX HAVELAAR BEST WESTERN BENOIT PARNAUDEAU 9809,4 4087,8
- 12 ROXY ANNE LIARDET 10794,9 5073,2
- 13 AKENA VERANDAS RAPHAEL DINELLI 11252,8 5531,1
- 14 BENEFIC KAREN LEIBOVICI 11596,0 5874,3


Lundi 10 janvier : Mike Golding a cassé sa drisse de grand-voile • Jean-Pierre Dick approche du Horn

Hier, l’Anglais Mike Golding (Ecover) devait s’emparer de la tête de course. Un beau projet retardé ce matin par la rupture de sa drisse de grand-voile alors qu’il n’était qu’à 2 milles du leader. Au classement de 16 heures, le voilà repoussé à 47 milles, avec une avarie toujours pas réparée. Pour ne pas rester en plan, l’action s’est à nouveau portée de l’autre côté, vers l’Est, là où navigue Jean Le Cam (Bonduelle). On le croyait « au fond du trou », que nenni. C’est lui le plus rapide et, dès ce soir 20 heures, il a de très fortes chances de reprendre, après 36 heures d’interruption, les rennes de la course. Derrière, Dominique Wavre (Temenos) rattrape à grandes enjambées Sébastien Josse (VMI). Le benjamin de l’épreuve a, malheureusement pour lui, d’autres chats à fouetter que la régate. Son moteur refuse de démarrer, le voilà devenu mécanicien.

Jean-Pierre Dick la scie à la main pour réparer sa bôme
Photo : JP Dick / Virbac - Paprec

Morose hier, éclatant de joie de vivre aujourd’hui, Jean Le Cam (Bonduelle) est à nouveau à l’aise dans ses bottes de marin. Il a frôlé la punition, mais Neptune a fini par goûter ses bons mots et autres plaisanteries. « J’aurai aimé faire du café théâtre... Hein, les enfants, une classe de musique et rigolade, cela vous plairait non... ? ». Les éclats et autres fous rires d’une classe de CM2 présente à la vacation seront une des récompenses du jour pour le Roi Jean. Il en attend une autre, avec une nouvelle prise de pouvoir dans les toutes prochaines heures. 160 milles plus à l’ouest, cela ne doit pas rigoler du tout à bord d’Ecover. Monter en tête de mât, à près de 30 mètres de hauteur pour repasser une drisse cassée, est une affaire qui ne peut faire marrer qu’un terrien.

Surtout que Mike Golding jouait, pour la première fois de sa carrière, la plus haute marche du podium du Vendée Globe. Partie remise pour Mike, mais aussi un certain soulagement chez tous ses supporters. Cette avarie n’est pas irrémédiable, loin de là. Dans quelques heures, Mike repartira de plus belle à l’attaque de Jean Le Cam et de Vincent Riou (PRB), un rien surpris de ne pas le voir après le lever du jour. « Cette nuit, vers 5 heures, j’ai vu son flash light (feu scintillant positionné en tête de mât NDLR) qui croisait dans mon tableau arrière. J’étais sur le pont à régler les voiles, cela bougeait pas mal. Je pensais bien le voir même si on ne faisait pas tout à fait la même route ». Après, il est une nouvelle fois question d’une zone de transition due à la jonction de deux anticyclones, le tout relevé par une petite dépression. En un mot des histoires pour être sûr de rigoler encore et encore...

- Vincent Riou (PRB) : « Cette nuit, j’étais pas mal chargé en toile, avec Solent et un ris. Là c’est cool, le vent est plus de travers, pour 13 à 14 nœuds. Le bateau est bien calé, avec 20° de gîte. Devant, c’est plus clair. On va avoir une petite phase de transition à gérer avant de naviguer sous l’influence de Sainte-Hélène. On va jouer avec sa bordure, d’abord au près avec un flux de nord et puis avec l’alizé qu’il génère (vent de sud-est NDLR) ».

- Jean Le Cam (Bonduelle) : « J’avais prévu de ramasser un peu plus. C’est comme ça, faut se méfier des certitudes. C’est toujours dans ta baie que tu te tapes le caillou. Parfois, je me fais bien rigoler. Souvent, quand je sors, je fais un bisou à Paul, mon pilote automatique, et d’autres à mon Bonduelle (rires). Quand tu y penses, t’as quoi te marrer... Je ne sais pas si on ne commence pas à gnognoter du chapeau (rires)... J’aurais bien fait du café-théâtre (rires)... »

- Benoît Parnaudeau (Max Havelaar-Best Western) : « Le moteur a toujours du mal à charger les batteries dès qu’il y a trop de gîte. Mon seul souci actuellement est la dépression qui stagne devant moi. J’ai peur de tomber dans son centre ou de passer du mauvais côté (dans son sud NDLR). C’est pour cela que je fais une route vers le nord. J’abats au maximum (le vent vient du sud-ouest, donc une navigation en tribord amure NDLR) ».

- Raphaël Dinelli (Akena Verandas) : « Cela ressemble enfin au sud. Cela me change de la pétole ou du vent contraire de ces derniers jours. Là j’avance en fin et bientôt je suis dans l’ouest (longitude W, avec passage dès cette nuit de l’antéméridien NDLR). Il faut juste que je fasse gaffe à une petite île devant moi (Antipodes Island, à 300 milles dans le sud-est de la pointe sud de la Nouvelle-Zélande NDLR). J’ai mis mon radar en route et je sors toutes les heures faire un tour sur le pont, même si je suis au sommet de la zone des glaces. ».

- Dominique Wavre (temenos) : « C’est étonnant comme l’histoire Histoire #histoire se répète. Il y a quatre ans, j’étais juste derrière le Sodebo de Thomas Coville (ndlr, ex-VMI). J’avais doublé Thomas le long des côtes d’Amérique du Sud. Bien sûr, Sébastien l’a bien amélioré depuis et cela ne va pas être simple de faire la même chose. La météo à venir ? Le vent va refuser et il va falloir maintenant contourner la dorsale anticyclone par l’ouest. Là, je suis sous gennaker, grand-voile et un ciel parfaitement bleu ».


Mardi 11 janvier : Mike Golding retrouve la deuxième place, perdue hier en raison d’une rupture de sa drisse de GV

Reculer pour mieux sauter ? Mike Golding (Ecover) ne peut que l’admettre : son avarie d’hier aurait pu mal tourner en raison d’une mer trop forte rendant impossible toute ascension dans le mât. Cela n’était pas le cas et ce stop d’une douzaine d’heures ne prête finalement pas à conséquence. Le voilà revenu à 11 milles du leader Vincent Riou (PRB), leader qui avait tout simplement perdu sa place durant la nuit au profit de Jean Le Cam (Bonduelle), à nouveau troisième au classement de 16 heures. Ce va et vient permanent au sein de la constitution du trio de tête montre que rien n’est simple actuellement au large de la frontière entre Uruguay et Brésil. La faute à un front dépressionnaire qui distribue à sa guise les bons et les mauvais vents.

Ce jeu Jeu #jeu du chat et de la souris devrait perdurer encore pendant deux ou trois jours, le temps nécessaire pour retrouver un vent plus stable généré par l’anticyclone de Sainte-Hélène. Cette problématique ne concerne pas les 9 voiliers encore engagés sur la route du grand sud. Le grondement des déferlantes, le froid et la présence heureusement incertaine des icebergs sont toujours leur quotidien et cela pour encore au moins 15 jours pour la dernière d’entre eux, Karen Leibovici (Benefic). Dès demain, Karen devrait passer la barre des 6 000 milles de retard, soit un quart du parcours. Une autre course mais une même aventure Aventure  : le Vendée Globe.

Le point sur Sébastien Josse

Sébastien Josse (VMI) a bien localisé la panne qui le prive de moteur depuis maintenant plus de 48 heures. Un des trois ressorts de la pompe à injection est cassé. Le challenge est maintenant de faire tourner le moteur de 29 CV sur 2 et non plus 3 cylindres. Pour cela, il faut que son parc batteries soit au maximum de sa charge, ce qui est loin d’être le cas. Sa mission actuelle est donc de perdre le moins de terrain possible, tout en rechargeant au mieux ses batteries. Sébastien n’a pas que 6 litres d’eau douce en réserve... Bien sûr, il dispose d’un dessalinisateur manuel, mais ce ne peut être qu’une solution d’extrême secours. Autre problème pour Sébastien, VMI est un bateau à quille fixe, avec d’énormes ballasts (2,8 tonnes d’eau de mer). Les remplir à l’aide d’une pompe à bras fait tout de suite penser aux « Shadocks » et Jojo n’a aucune envie de se transformer en « Shadocks ».

« Réparer mon moteur ? Non. Le ressort est cassé et je n’en ai pas d’autre. Je dois me contenter de mon éolienne et des panneaux solaires. Je suis donc dépendant de l’ensoleillement et les panneaux ne fonctionnent pas bien en fonction de la gîte du bateau et de la position des voiles. C’est à peine une solution de secours. Mon équipe technique réfléchit à une possibilité de faire marcher le moteur sur 2 des 3 cylindres... » VMI évolue dans un couloir de vent alimenté par une dépression au sud et un anticyclone au nord qui lui barre la route. Soit une remontée au près musclée, dans 30 nœuds de vent pour les deux prochains jours. Cela ne va pas faciliter la tâche de Sébastien le régatier qui n’oublie certainement pas que Dominique Wavre (Temenos) n’est plus qu’à 134 milles. Il comptait 31 heures de retard sur Sébastien Josse au passage du Cap Horn.

- Mike Golding (Ecover) : « Il n’y a pas trop de dégât au niveau du classement. Je pensais vraiment perdre contact avec la tête de la course. J’espère ne pas revivre cela. C’est encore trop tôt pour dire quelle route paiera. Jean touchera peut-être du vent avant nous, mais il sera au près. De toutes les façons, je ne peux plus rien y faire tant le décalage en latéral est grand. La position ouest de Vincent me rassure un peu. Je m’attache à garder de la pression le plus longtemps possible. »

- Bruce Schwab (Ocean Planet) : « Je suis encore intervenu sur ma quille pour tenter de réduire le bruit. J’espère que cela va tenir, car à haute vitesse Vitesse #speedsailing , ce bruit me stresse. J’essaie alors de plaisanter pour évacuer la nervosité. Ce sera bien de passer le Horn. Je profite à fond de cette course parce que je sais la quantité de travail qu’il a fallu pour être ici. J’ai même le sentiment que cela va un peu trop vite. »

- Raphaël Dinelli (Akena Verandas) : « Le vent est puissant, 45 noeuds avec des rafales à 48. Je marche à 18 noeuds au GPS. La mer est très grosse, très formée avec des vagues déferlantes. Même sous 3 ris et trinquette je me suis fait couché dans les molles à cause des creux très profonds de la mer. A part cela, on avance bien. Le bateau se comporte très bien et je reste prudent. Le Pacifique est très musclé pour moi pour l’instant ».

• CLASSEMENT DU 11/01/05 15:00 GMT (16H00 PARIS)

Rg Nom Skipper Dist Arr Ecart Vmg
- 1 PRB VINCENT RIOU 5161,4 0,0 11,6
- 2 ECOVER MIKE GOLDING 5172,4 11,0 11,1
- 3 BONDUELLE JEAN LE CAM 5180,7 19,3 9,9
- 4 VMI SEBASTIEN JOSSE 5868,6 707,2 10,8
- 5 TEMENOS DOMINIQUE WAVRE 6003,0 841,5 10,8
- 6 VIRBAC-PAPREC JEAN-PIERRE DICK 7190,7 2029,3 7,8
- 7 SKANDIA NICK MOLONEY 7853,1 2691,7 11,1
- 8 ARCELOR DUNKERQUE JOE SEETEN 8440,7 3279,3 13,1
- 9 HELLOMOTO CONRAD HUMPHREYS 8756,2 3594,8 11,6
- 10 OCEAN PLANET BRUCE SCHWAB 8984,4 3822,9 11,8
- 11 MAX HAVELAAR BEST WESTERN BENOIT PARNAUDEAU 9222,3 4060,9 11,3
- 12 ROXY ANNE LIARDET 10309,9 5148,5 8,2
- 13 AKENA VERANDAS RAPHAEL DINELLI 10720,0 5558,6 10,1
- 14 BENEFIC KAREN LEIBOVICI 11104,4 5943,0 9,8


Mercredi 12 janvier : Mike Golding en tête au 67e jour de course • Jean Le Cam décroche à 140 milles • Jean-Pierre Dick au Cap Horn

Après 66 jours de course et plus de 18 000 milles parcourus, le Britannique Mike Golding (Ecover) prend, pour la première fois depuis le départ, la tête du Vendée Globe. En dehors d’une courte apparition de Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) en tête du classement le lendemain du départ, le leadership de la course n’avait jamais échappé à Vincent Riou (PRB) ou Jean Le Cam (Bonduelle). En restant au centre, entre Golding à l’ouest et Le Cam à l’est, Vincent Riou avait annoncé qu’il perdrait sûrement le leadership au profit de Mike dans le but de se placer pour l’arrivée des alizés dans moins de deux jours.

En attendant, Mike Golding est tout à son bonheur. Il vient de s’emparer de la tête de course et possède 23 milles d’avance sur Vincent Riou et 140 milles sur Jean Le Cam au pointage de 16h00. Le 5 décembre, au large de l’Afrique Australe, Mike accusait exactement 811 milles de retard sur le premier, puis 250 milles au passage du Cap Horn. 7e du dernier Vendée Globe et vainqueur de la Transat Anglaise, Mike Golding, l’un des grands favoris avant le départ, ne cache pas son ambition de remporter cette course mythique. Le skipper d’Ecover avait annoncé que son bateau avait été dessiné pour gagner le Vendée Globe entre le Cap Horn et les Sables d’Olonne. Y parviendra-t-il ? A 4 838 milles de l’arrivée, difficile de prédire quel skipper du trio de tête franchira la ligne le premier d’ici la fin janvier. Le suspense est à son comble à moins de trois semaines de l’arrivée.

Les pires heures de Jean Le Cam

Leader des deux tiers de la course depuis le départ, Jean Le Cam est en train de vivre un véritable cauchemar. Impuissant, dépourvu de vent stable, Jean Le Cam assiste malgré lui au pire scénario imaginable. Son avance de 250 milles au passage du Cap Horn a fondu comme neige Neige #snow au soleil et c’est maintenant le skipper de Bonduelle qui accuse plus de 140 milles de retard sur les deux premiers. Parti plus à l’est que ses adversaires pour traverser une zone de vent instable au large de l’Uruguay, Jean n’a pas touché les dividendes de son investissement. Les nombreux retournements de situation laissent penser que beaucoup de scénarii sont encore possibles jusqu’à l’arrivée. Néanmoins, à la vacation du jour, Jean Le Cam témoignait d’un profond sentiment d’injustice devant son manque de chance. Cette journée maudite pour Le Cam sera peut-être décisive pour la suite de la course. Mais le roi Jean a des ressources et ne va pas baisser les bras de sitôt. L’intensité de la bagarre entre le trio de tête va crescendo avec la remontée de l’Atlantique...

Jean-Pierre Dick au Cap Horn

Sixième de ce Vendée Globe à franchir le mythique rocher à la pointe australe de l’Amérique du Sud, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) a le mérite de l’avoir franchi sous voile d’avant seule, par 45 à 55 nœuds de vent, avec sa bôme cassée posée sur le pont ! Incroyable de ténacité devant la succession d’avaries qui jalonnent son parcours - générateur, moteur principal, deux vits-de-mulet cassés, pilote, safran, etc. - Jean-Pierre Dick conserve toujours sa bonne humeur et sa vision de régatier. Il espère pouvoir réparer définitivement sa bôme lorsque les conditions le permettront afin de batailler jusqu’aux Sables d’Olonne pour conserver sa sixième place...

- Vincent Riou (PRB) : « Les fichiers ne sont pas très clairs. Mike va probablement prendre la tête mais je me méfie de sa trajectoire à l’ouest. Dans 48 heures, nous devrons couper l’anticyclone pour aller chercher l’alizé. On y verra plus clair à ce moment. C’est loin d’être fini. J’ai eu peu de temps pour dormir et j’ai un peu tiré sur le bonhomme. J’ai cassé une bosse de ris cette nuit qu’il a fallu réparer tout en manoeuvrant. Je suis dans une position intermédiaire qui convient bien à ma façon de naviguer. Statistiquement, cela ne passe pas à la côte. Je trouve ma position plus sage mais pas forcément décisive. Et puis, il faut être un peu joueur et accepter de perdre un peu à certains moments. Pour l’instant je vois à court terme, pas au-delà de 48 heures. »

- Mike Golding (Ecover) : « Ce classement arrive comme une très bonne surprise. Il faut encore attendre de traverser l’anticyclone. J’espère ne pas être arrêté. J’ai eu de la chance de revenir si vite après ma montée dans le mât. Mais je suis bien dans le rythme pour l’instant. Je ne suis pas surpris du retard de Jean (Le Cam), mais le connaissant, je pense qu’il ne tardera pas à revenir. Je vis la course au jour le jour. Les prévisions météos sont très floues. Je me base beaucoup sur l’observation physique des phénomènes et sur le baromètre. Les températures sont remontées et il fait plutôt chaud, mais le temps est toujours gris et couvert. Je suis au reaching dans une mer qui arrive de tous les côtés, très désordonnées. Je me suis un peu reposé la nuit dernière mais après, il y a eu beaucoup de changements de voiles. C’était dur de trouver la bonne combinaison. »

- Jean Le Cam (Bonduelle) : « Les bulles de pétole ne me lâchent pas. Cela dure depuis le Cap Horn. Je les collectionne. J’ai l’impression qu’elles ne sont là que pour moi. Cela commence à m’énerver. J’ai beau multiplier les manœuvres, je fais tout à contretemps ! Je renvoie et le vent forcit. Je réduis et je tombe dans la pétole... C’est épuisant. Toute la panoplie du bateau y est passée cette nuit pour un gain ridicule. Bon. C’est la voile. Cela forme le caractère. »

- Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « Passer le Cap Horn est quelque chose d’extraordinaire. C’est une vision fabuleuse. J’ai 45 nœuds de vent, 55 dans les grains et je fais route en toute sécurité avec une petite toile à l’avant. C’est formidable d’être ici. Voir cette silhouette imposante, c’est un rêve d’enfant qui se réalise. Quelle joie ! J’ai bu un peu de champagne pour fêter l’événement, je garde le reste pour la fin de mon travail sur la bôme. Il me reste beaucoup à faire. J’ai collé une partie du manchon sur l’avant de la bôme. Mais je ne peux pas continuer avec ce vent, cette mer et cette pluie. Il me faut des conditions plus clémentes. Dans quelques jours, j’espère pouvoir renvoyer ma grand-voile et attaquer la remontée de l’Atlantique. »


Jeudi 13 janvier : Vincent Riou a repris la tête la nuit dernière et a fait le trou au large du Brésil à 33 milles devant Mike Golding et 149 milles de Jean Le Cam

« Vincent Riou, lui, passe à travers les bulles sans vent, c’est incroyable ! » Cette phrase, lâchée par Jean Le Cam (Bonduelle) lors de la vacation d’hier, témoignait de la fatigue nerveuse du skipper de Bonduelle et d’un sentiment d’injustice vis-à-vis d’une météo imprévisible. Vincent Riou (PRB) serait-il donc un sorcier ? Repassé en tête ce matin, le skipper de PRB a donné aujourd’hui un début d’explication sur sa façon de naviguer. « Par ici, les fichiers météos sont bons à jeter. Je m’appuie uniquement sur le baromètre, l’observation des nuages et sur les photos satellites. » Vincent Riou est le seul du trio de tête à disposer d’un Dartcom, un appareil qui lui envoie automatiquement des images satellites lorsque l’un d’eux passe au-dessus de sa tête. Résultat : Vincent Riou, au centre, n’a jamais été franchement arrêté depuis 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures , à la grande différence de ses deux adversaires, bloqués pendant plusieurs heures, à l’est comme à l’ouest.

Jean-Pierre Dick au large du cap Horn sous un minimum de toile
Photo : J.Vapillon/DPPI/Virbac

Si le vent semble revenir à la stabilité du côté de Jean Le Cam, en revanche Mike Golding et Vincent Riou faisaient état de grains violents, d’une mer forte et d’un vent très capricieux depuis cette nuit. Cette situation délicate est le fruit d’une petite dépression tropicale qui se creuse au-dessus des concurrents de tête. D’après le leader du jour, Vincent Riou, cette situation devrait s’éclaircir dans la journée de vendredi avec l’arrivée des premiers alizés de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Disposant d’un voilier un peu moins puissant que ses concurrents directs, Vincent Riou va devoir négocier au mieux son petit matelas d’avance le long des côtes brésiliennes.

Si le suspense est intense dans le trio de tête, la régate pour la quatrième place est loin d’être finie entre Sébastien Josse (VMI) et Dominique Wavre (Temenos). Profitant des problèmes d’énergie et de bout-dehors de son prédécesseur, le skipper suisse ne cesse de revenir dans le sillage du benjamin de la course. Hier, 100 milles séparaient les deux protagonistes. Aujourd’hui, Dominique Wavre, le plus rapide de toute la flotte sur les dernières 24 heures, n’a plus que 69 milles de retard sur Sébastien Josse. Malgré ses différents problèmes à bord, Sébastien Josse n’a pas du tout l’intention de se laisser “manger“ par Dominique Wavre. Les deux coureurs profitent également d’un fort vent d’ouest pour revenir légèrement sur le trio de tête. Le 8 janvier, Wavre accusait 1072 milles de retard sur le premier de la course. Aujourd’hui, le skipper de Temenos n’a plus que 736 milles de retard.

- Vincent Riou (PRB) : « Je suis sous une dépression bien tonique et pleine de grains. C’est un peu l’enfer. Mais bon ! on avance. J’ai fait ce que je voulais faire. Je pensais que Mike allait trop loin dans son option. Je crois que j’ai tourné au bon moment. Les conditions sont rudes et la mer casse bateau, et ceci depuis hier soir. Je pense que j’en ai encore pour la journée à ce régime. Les fichiers météos sont bons à jeter. Je m’appuie uniquement sur le baromètre, l’observation des nuages et sur les photos satellites. Le vent est tellement irrégulier que mes pilotes ne parvenaient pas à barrer. Quant au sommeil, on verra plus tard. Je n’ai pas touché à ma bannette depuis 24 heures et ce n’est pas fini. Cet endroit est vraiment infâme. »

- Mike Golding (Ecover) : « Je suis toujours dans le coup pour le moment. Je viens d’avoir 24 heures très difficiles. La dépression orageuse se déplace avec moi. J’ai dû être totalement arrêté 4 fois cette nuit. Et j’ai à présent de gros grains avec 30 nœuds et plus. La nuit, on ne voit rien arriver. A certain moment, on pense que le vent est bien entré et on réalise deux heures plus tard que ce n’était qu’un grain. On passe beaucoup de temps sur le pont à changer de voiles. Le jour, je m’économise davantage car on voit les choses venir de loin et on anticipe. A ce moment précis, j’ai un gros grain qui arrive. Je vais essayer de tenir la toile car il y a des creux de trois mètres et si je suis trop lent, le bateau retombe fort dans les creux. En tout cas, il n’y a pas moyen de se reposer... Désolé, je dois y aller... »

- Jean Le Cam (Bonduelle) : « Cela va mieux aujourd’hui. J’avance vers plus de stabilité. Je me suis bien reposé cette nuit et le moral remonte. On se fait une raison. Le sud Atlantique n’était pas fait pour moi. Je vais m’atteler à perdre le moins possible. C’est dur de jouer et de perdre à chaque fois. Dans le Pacifique, j’ai beaucoup joué, notamment avec les icebergs et j’ai gagné. Depuis le Horn, à chaque fois que je joue, je perds. Ça énerve ! Maintenant, je suis derrière et je vais essayer d’en profiter, car si on peut contrôler un adversaire qui est à 50 milles, à 200, c’est impossible ! »

- Sébastien Josse (VMI) : « J’avance gentiment sur la route en attendant la « molle » dans 24 heures environ. J’ai remonté le moteur mais il ne démarre toujours pas. J’attends la pétole pour bricoler au calme et quand le bateau sera bien à plat. Je dois gérer mes panneaux solaires, barrer dès que l’ensoleillement diminue, profiter des moindres rayons pour faire de l’eau... Je ballaste en me mettant vent arrière. A chaque fois je perds du temps et du terrain. Moralement, cela va. Il faut ramener le bateau. Ce qui est rageant, mais aussi rassurant, c’est que je n’ai rien à me reprocher. J’ai tout fait pour préserver mon bateau et pourtant je vais rentrer avec un bateau en « demi ruine » ; mais qu’y puis-je si une vague a détruit l’antenne du « Fleet », qu’y puis-je si j’ai tapé un growler, qu’y puis-je si une pièce du moteur a cassé ? Il me reste un certain potentiel pour continuer à bien faire marcher le bateau. C’est seulement dans les phases de transition que je suis pénalisé sans voiles d’avant pour me déhaler. »


Vendredi 14 janvier : Nouvelle avarie de drisse de grand-voile de Mike Golding • Thiercelin est reparti, hors course

Vincent Riou (PRB) aurait-il aujourd’hui l’une des plus belles opportunités de larguer ses adversaires et de prendre une première option sur la victoire finale ? Le skipper de PRB pense qu’il sera difficile pour Jean Le Cam (Bonduelle) de revenir, même si de nouveaux renversements de situation sont bien sûr possibles. Pour Vincent, le principal adversaire du moment était donc Mike Golding (Ecover). Mais voilà que ce matin, le Britannique a de nouveau cassé sa drisse de grand-voile, et qu’il ne va pas pouvoir la réparer immédiatement. Au près dans l’alizé, ce handicap pourrait lui coûter cher. Cette opportunité va permettre à Vincent Riou de prendre le large au moment même où le retour des alizés permet au trio de tête de rallonger la foulée vers l’équateur. Le Vendée Globe est en train de vivre un nouveau tournant qui pourrait s’avérer décisif.

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) a enfin pu réunir les deux morceaux de sa bôme cassée... Il lui reste néanmoins pas mal de travail pour consolider cette réparation avant de pouvoir à nouveau utiliser sa grand-voile. En attendant, Jean-Pierre s’est offert un petit bain forcé dans une eau à 10°C pour dégager sa quille et ses safrans emprisonnés dans d’immenses algues de 20 mètres de long. C’est la deuxième fois que Jean-Pierre est obligé de plonger au cours de ce Vendée Globe.

Marc Thiercelin a repris la mer

Quinze jours après son arrivée en Nouvelle-Zélande pour réparer son bateau endommagé - bout-dehors cassé, mât fragilisé, etc. - Marc Thiercelin (ProForm) est donc reparti, comme prévu, pour finir son tour du monde en solitaire, mais hors course. Marc devance Patrice Carpentier (VM Matériaux) de 24 heures puisque le doyen de la course, qui a fêté ses 55 ans en Nouvelle-Zélande il y a quatre jours, compte également repartir la nuit prochaine. Patrice a de son côté réparé sa bôme et plusieurs avaries mineures. Les deux marins pensent mettre environ six semaines pour boucler ce demi-tour du monde.

- Vincent Riou (PRB) : « Soleil ! on revit après les grains. J’ai dormi 4 heures. C’est un peu comme une étape de Figaro. Tu dors 30 minutes et tout repart. Je rentre à présent doucement dans l’anticyclone de Sainte Hélène. Je suis sous les cumulus, avec de l’air en dessous. Je crois que je m’en sors pas trop mal, au près serré dans 25 nœuds. Je résiste bien à Golding, mais peut-être n’est-il pas à 100% ? Je ne pense pas du tout à l’arrivée. Je suis à fond dans ma course. Il reste l’équivalent d’une grosse transat à parcourir et je privilégie la stratégie et l’état du bateau. Le bonhomme suivra. Le retour de Jean me paraît difficile. Mais on peut aussi tout perdre dans le Pot-au-Noir ; mon angoisse est de casser si près du but. On a beaucoup tiré sur les bateaux et on découvrira pas mal de choses après l’arrivée quand on les inspectera. Pour l’instant, PRB est nickel. J’ai juste des détails, comme une bosse de ris cassée cette nuit. Quel que soit le résultat, on vit une course magnifique. »

- Mike Golding (Ecover) : « Mauvaise nouvelle malheureusement ! Vers 8h ce matin, j’ai encore cassé ma drisse de grand-voile. Je ne peux donc plus envoyer ma grand-voile pour l’instant. J’ai voulu monter dans le mât immédiatement. J’ai rempli le ballast pour stabiliser le bateau, mais la mer était trop agitée. La drisse n’a pas cassé au même endroit. Ce n’était pas une drisse neuve, mais celle qui a cassé l’autre jour et que j’avais réparée. Je vais cette fois-ci en mettre une neuve et plus solide. Comme je n’ai plus de messager, l’opération devrait être plus longue que la dernière fois, d’autant que je ne sais pas quand les conditions de mer vont me permettre de monter... Pour l’instant, j’avance correctement sous voile d’avant seule. Evidemment, je suis très déçu et frustré. Ce n’est pas très juste. La voile est cruelle parfois. Je m’attends à perdre du terrain sur le premier. Ce Vendée Globe m’oblige à faire tout ce que je hais. Je déteste grimper dans le mât ! »

- Jean Le Cam (Bonduelle) : « J’ai dormi. C’est limite incorrect ce que j’ai dormi ! peut-être 4 ou 5 heures par tranche d’une heure, une heure et demie. Je n’ai pas changé de voiles depuis hier, ce qui est un bon signe de stabilité, non ? Mais attention, c’est précaire. Il ne faut pas le dire trop fort de peur qu’Eole ne nous entende. J’ai mis en place le programme « perce vague » sur Bonduelle. C’est-à-dire que j’ai bien matossé, bien réparti tous les poids à l’intérieur, bien réglé mes voiles et ai mis « Paul » (son pilote automatique, ndlr) au boulot. Mission : cap/vitesse Vitesse #speedsailing . Je pense toucher la droite avant les autres, mais j’aurai du retard et peut-être un peu moins de vent. Mais je vois bien aussi un regroupement au Pot-au-Noir. La route est encore longue. »

- Dominique Wavre (Temenos) : « Nous avons fait une super remontée de l’Atlantique Sud. Il y a encore un anticyclone à traverser avant de toucher la bordure de l’alizé. Les conditions sont à présent idylliques, sous le chaud soleil brésilien. Le bateau glisse tout seul sous gennaker, dans un léger clapot. C’est la première fois depuis la Nouvelle-Zélande que je peux rester bricoler un peu sur le pont. Je vais prendre une douche et profiter de ces moments de transition. Je récupère physiquement. J’espère que Sébastien Josse va pouvoir récupérer une partie du potentiel de son bateau. Nous pourrons ainsi terminer ce Vendée Globe ensemble et en Match Race. »

- Conrad Humphreys (Hellomoto) : « J’ai remplacé ma drisse de trinquette qui était usée. J’en ai profité pour faire un peu de maintenance de routine. Je pense que je dois détenir le record Record #sailingrecord de montées au mât. Ma route est plus erratique dans le Pacifique. Je n’ai pas eu de bons angles de vent et j’ai dû multiplier les empannages et les manœuvres. J’essaie maintenant de faire route directe. J’ai eu un peu moins de chance dans le Pacifique que dans l’Indien. La perspective du Cap Horn est très excitante. Je l’ai déjà franchi deux fois, mais de nuit et surtout une fois dans le sens est-ouest où il marquait l’entrée dans le Pacifique et non pas la fin. Cette fois, j’espère bien le voir de jour. J’ai une profonde admiration pour Jean-Pierre Dick. Il a dû surmonter les pires difficultés dans cette course. Sa détermination et son obstination sont un exemple pour nous tous. J’espère boire un bon Cabernet Sauvignon avec lui à l’arrivée. »


Samedi 15 janvier : Riou surveille le retour de Le Cam • Josse et Wavre bord à bord pour la 4e place

La valse des positions continue en tête avec le retour de Jean Le Cam (Bonduelle) à la deuxième place au détriment de Mike Golding (Ecover) qui continue de perdre du terrain suite à son avarie de drisse de grand-voile d’hier. Le Britannique est le seul du trio de tête à ne pas avoir encore touché les fameux alizés de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Il n’a parcouru que 68 milles ces dernières 24 heures, contre 212 milles pour Jean Le Cam !

Pour Vincent Riou (PRB), à 129 milles devant ses deux adversaires, la situation est tout simplement idéale, mais il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers. Souffrant d’un déficit de puissance, Vincent Riou sait que Jean Le Cam va lui reprendre quelques milles dans les deux jours à venir. Mais cela n’inquiète pas le skipper de PRB qui sait aussi que les alizés vont rapidement propulser le trio de tête vers l’équateur et le Pot-au-Noir. Pour Jean, cette fameuse zone de convergence inter-tropicale entre les hémisphères nord et sud, représente la prochaine grande opportunité de reprendre la tête. D’ici là, dans cinq jours, Jean et Mike Golding ont bien l’intention de faire parler la puissance de leur monture pour remettre un peu plus de pression sur le leader. Si Vincent Riou a pris une belle option grâce à sa parfaite maîtrise des situations météo, ses deux poursuivants ne vont pas lui rendre la vie simple jusqu’aux Sables d’Olonne, encore distants de plus de 4000 milles.  

Wavre dans le sillage de Josse

Handicapé par son bout-dehors cassé et ses problèmes électriques, Sébastien Josse (VMI) a beau mettre toute son énergie dans la régate, il ne peut résister à armes égales face au retour de Dominique Wavre (Temenos). Les deux skippers se sont retrouvés bord à bord ce matin. Naviguant dans des vents faibles, à moins de 5 milles l’un de l’autre au pointage de 16h00, Sébastien et Dominique doivent enchaîner les manœuvres pour s’extirper au plus vite de cette zone désespérément calme. La 4e place vaut cher en ce moment au large du Brésil !  

Soulagement pour Moloney

C’est avec bonheur et soulagement que Nick Moloney (Skandia) a franchi à minuit le Cap Horn, mettant un terme à la rudesse des Océans du Sud. C’est par 50 nœuds de vent et une mer déchaînée que Nick Moloney a contourné la pointe sud-américaine, dans des conditions particulièrement difficiles. L’Australien de la course est le 7e concurrent à doubler le mythique rocher, 500 milles derrière Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) et 500 milles devant Joé Seeten (Arcelor Dunkerque). Nick, qui doit faire face à de nombreux problèmes à bord de l’ancien Kingfisher d’Ellen MacArthur, notamment des problèmes d’énergie, a pour premier objectif de finir la course. Mais il aimerait bien aussi disputer la 6e place à Jean-Pierre Dick. La régate n’est pas finie non plus en milieu de flotte.  
- Vincent Riou (PRB) : « Les conditions ne sont pas mal. Nous sommes au reaching sous le soleil. Depuis ma position, je peux faire ce que je veux. Je vais aller chercher la longitude que je veux pour passer le Pot-au-Noir. Dans l’immédiat, Jean va me reprendre des milles pendant 24 ou 36 heures. Mais il est encore plus à l’est donc il faudrait un sacré enchaînement de conditions pour que cela lui soit favorable à moyen ou long terme. Une route sur 10 ou 15 n’est même pas aussi est que là où il se trouve. Aujourd’hui, le but est d’aller au plus vite vers le point de passage. Peut-être que dans 8 ou 10 jours, tout sera à refaire ou, à l’inverse, on sera tranquille. »  
- Jean Le Cam (Bonduelle) : « Cela se passe on ne peut mieux. Idyllique ! Avec un lever de soleil somptueux ce matin tout de rouges, de roses et de noir. Le programme « Perce vague » est au placard. C’est maintenant programme « pet sur une toile cirée ». Le bateau glisse sur une mer parfaite. L’investissement a coûté cher, mais il ne faut pas se plaindre des dividendes. Je pense reprendre un peu de milles à Vincent Riou. Peut-être aurai-je encore 50 ou 80 milles de retard au Pot-au-Noir. Et il restera encore de la route pour se refaire. En attendant, j’ai bien matossé le bateau pour mettre ma bannette au vent. Je suis reposé et à l’attaque. Ça va donner ! »  
- Sébastien Josse (VMI) : « Je vais oublier mon moteur quelque temps. J’ai du soleil en ce moment et mes batteries se rechargent bien. Je suis toujours au près dans du petit temps. J’essaie de faire du cap au louvoyage avec ma grand-voile et mon solent. J’ai passé le stade de me ronger les ongles à propos du retour de Dominique Wavre. Je fais de mon mieux mais pas avec les mêmes armes que lui. C’est sûr que dans les virements que nous devons faire le manque d’énergie et de pompe de ballast me font souffrir. Depuis hier j’ai fait quatre virements et à chaque fois je finis bras en croix au fond de mon bateau pour récupérer. Le principe de chaque virement ? Je remplis le ballast sous le vent quand le vent monte. Cela me fait gîter et je vire. Je transfère alors l’eau sur le bon côté et après je revire sur le bon bord afin de me retrouver avec le ballast rempli au vent. Du coup il me faut à chaque fois deux virements pour en effectuer un. En terme de temps cela donne 10 min pour remplir le ballast sous le vent, 5 min pour le 1er virement, 4 min pour transvaser d’un ballast à l’autre et 5 min pour revirer car en plus il faut matosser et changer l’éolienne de place. Je ne chôme pas et j’ai hâte que l’alizé soit là. »  
- Nick Moloney (skandia) : « Quel sentiment fantastique d’avoir passé le Horn. Je ne l’ai pas vu. J’étais dans des conditions incroyables, avec 48 nœuds de vent, une mer terrible, comme dans les rêves ? C’était sauvage. La course est encore longue. Je veux terminer. J’ai encore beaucoup de problèmes techniques à résoudre. Passer le Horn est bon pour le moral. C’est une étape importante vers le retour à la maison. Dès le départ de ce Vendée Globe, j’ai réalisé que le tempo allait être élevé. Au Cap vert, j’avais déjà 80 milles de retard sur Jean. Je me suis dit que cela allait être une grande aventure Aventure plus qu’une course. A la vérité, cela a été de la folie pure ! Ça m’a dépassé. C’est devenu un combat, une expérience personnelle, intime. Bien sûr, j’essaie de rattraper Jean-Pierre Dick et de garder Joé Seeten à distance. Mais je me contenterais de finir. J’ai toujours 40 nœuds. Je suis sous grand-voile 4 ris et trinquette, et le bateau tape et roule dans tous les sens. Je n’ai toujours pas solutionné mes problèmes d’énergie et cela va devenir grave car je n’aurai pas assez de carburant pour finir la course. Je suis épuisé. Que l’Atlantique m’apporte chaleur et soleil... »

• CLASSEMENT DU 15/01/05 15:00 GMT (16H00 PARIS)

Rg Nom Skipper Dist Arr Ecart
- 1 PRB VINCENT RIOU 4284,5 0,0
- 2 BONDUELLE JEAN LE CAM 4413,6 129,0
- 3 ECOVER MIKE GOLDING 4459,1 174,6
- 4 VMI SEBASTIEN JOSSE 4981,6 697,1
- 5 TEMENOS DOMINIQUE WAVRE 4987,2 702,7
- 6 VIRBAC-PAPREC JEAN-PIERRE DICK 6383,8 2099,3
- 7 SKANDIA NICK MOLONEY 6875,0 2590,4
- 8 ARCELOR DUNKERQUE JOE SEETEN 7355,5 3070,9
- 9 HELLOMOTO CONRAD HUMPHREYS 7737,5 3453,0
- 10 OCEAN PLANET BRUCE SCHWAB 8003,7 3719,2
- 11 MAX HAVELAAR BEST WESTERN BENOIT PARNAUDEAU 8352,1 4067,5
- 12 ROXY ANNE LIARDET 9568,4 5283,9
- 13 AKENA VERANDAS RAPHAEL DINELLI 9750,8 5466,2
- 14 BENEFIC KAREN LEIBOVICI 10303,4 6018,8


Dimanche 16 janvier : Le trio de tête allonge la foulée bâbord amure dans l’alizé • Wavre s’empare de la 4e place

Désormais bien calé dans l’alizé de Sainte Hélène, l’infernal trio Riou-Le Cam-Golding passe la surmultipliée et cavale en direction de l’équateur situé à moins de 1 000 milles. Le vent est bien établi à l’Est, pour une quinzaine de nœuds, et les voiliers glissent sous grand voile et solent dans des conditions qualifiées hier d’idyllique par le skipper de Bonduelle, et qui vont perdurer aujourd’hui. Ce n’est que dans une vingtaine d’heures que l’adonnante au Sud Est se fera sentir et que viendra le moment d’envoyer les gennakers. Mike Golding (Ecover) vient de vivre une des semaines les plus noires de sa longue vie de marin avec cette double rupture de drisse de grand voile et son corollaire de misères. Il a viré hier soir dans l’alizé et fait à présent une route parfaitement parallèle à celle de Jean Le Cam 280 milles dans son Est, mais à 228 milles du leader Riou. Une course de vitesse pure s’engage, bateaux réglés aux petits oignons, et skippers rivés à la table à carte, la tête déjà au-delà de l’Equateur, à l’examen d’un passage à niveau nommé pot au noir.



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