Transat Jacques Vabre
La nouvelle génération de monocoques a posé ses marques
Deux heures seulement d’écart entre les temps de Virbac 2003 et Sill 2001
samedi 22 novembre 2003 –
Alors qu’il reste encore en mer cinq monocoques de 60 pieds et les trois 50 pieds, un premier bilan peut être tiré en comparant les performances des bateaux par rapport à la précédente édition sur le même parcours, mais avec des conditions radicalement différentes et plus difficiles. Et pourtant, le vainqueur 2003, Virbac, n’a mis que deux heures de plus que Sill (vainqueur de l’édition 2001) pour parcourir les 4 340 milles (8 038 km) entre Le Havre et Salvador de Bahia.
Pas moins de sept générations de monocoques de 60 pieds s’alignaient sur la ligne de départ entre les deux plus anciens, Tir Groupé (ex-Fleury Michon du Vendée Globe 1989) et Ciments Saint Laurent-Océan (ex-Hunter’s Child) et les plus récents tels Ecover et Virbac, tous deux mis à l’eau cette année en vue du prochain Vendée Globe 2004.
En passant par la génération du Vendée Globe 2000 avec Carrefour Prévention (ex-UBP), Sill, Team Cowes (ex-Kingfisher), VMI (ex-Sodebo), PRB, Cheminées Poujoulat-Armor Lux (ex-Bobst Group) mais aussi par les générations Vendée 1992 comme Adecco (ex-Fujicolor 3) ou 1996 tel Garnier (ex-Aquitaine Innovations) et même BOC Challenge 1990 tel 60e Sud (ex-Enif) ou 1998 comme Arcelor-Dunkerque (ex-Somewhere), Objectif 3 (ex-Gartmore) ou Loire Atlantique (ex-Fila) voir 2002 tel Pindar (ex-Hexagon) d’Emma Richards et Mike Sanderson.
Bref, le plateau était le 1er novembre plutôt varié pour un départ qui s’annonçait agité avec d’entrée de jeu du vent de secteur Ouest puissant pour sortir de la Manche. Rapidement, la logique était respectée puisque les voiliers de la dernière génération et ceux du Vendée Globe 2000 étaient aux avant-postes pour aborder le golfe de Gascogne, premier juge de paix de cette Transat Jacques Vabre. Après le retournement de Ciments Saint Laurent-Océan (pour cause de percussion d’un objet flottant entraînant la perte de la quille) et l’arrêt au stand britannique de Tir Groupé pendant deux jours (chariots de latte), c’est l’un des favoris et l’un de ceux qui montraient un redoutable potentiel au près qui abandonnait : Pindar rentrait à Brest suite à la noyade de toute l’électronique.
A la sortie du cap Finisterre, deux voiliers prenaient la poudre d’escampette, Virbac grâce à un joli coup tactique vers le Sud, Ecover grâce à son potentiel contre le vent. Ces deux bateaux marquent en fait un nouveau pas architectural : alors que les parcours du BOC Challenge (Around Alone) ou du Vendée Globe privilégient les allures débridées et portantes, les concepteurs ne s’étaient pas auparavant focalisés sur les capacités à remonter contre le vent. Certes, tout voilier est un compromis et il est impossible de réaliser un bateau rapide dans la brise et véloce dans le petit temps, impérial au largue et redoutable au près, surtout que d’autres contraintes doivent être prises en compte tel que le fait de naviguer en solitaire (en double comme cette Transat Jacques Vabre, il y a toujours quelqu’un sur le pont) et de faire le tour du monde, soit trois mois de mer minimum.
Déjà, certains bateaux comme Sill ou Kingfisher avaient montré une nette amélioration des capacités à remonter contre le vent avec des lignes plus tendues et des dérives latérales inclinées qui permettent de compenser la réduction du plan anti-dérive lorsque la quille pendulaire est décalée au vent de 40°. La génération 2003 est révélée par deux bateaux conçus par des architectes différents (Virbac par le cabinet Farr Yacht Design, Ecover par Owen-Clark) : les formes arrières sont plus puissantes, fortement inspirées par les dessins des derniers Mini-Transat et surtout les dérives sont très profondes et de forte corde, la quille ayant tendance à devenir un simple « porte-lest ». Un gros effort a aussi été fait sur le poids du gréement afin de réduire le tangage et d’améliorer le passage dans la mer. Mais grâce au concept de la navigation en double développé par la Transat Jacques Vabre, nous avons tout de suite pu voir le formidable potentiel de ces deux nouvelles machines. Plus toilé que ceux de l’ancienne génération, Virbac a été, dès sa première course, mené à 100% de ses capacités. Seul problème à bien savoir gérer aujourd’hui, les bateaux sont de plus en plus raides et n’admettent plus aucun faux pas, sous spi notamment. D’ailleurs, Ecover va exploser ses trois spis embarqués. Des « fortunes de mer » qui compteront pour beaucoup dans le déroulement de cette Transat Jacques Vabre. Le moindre faux pas sous spi et la punition est instantanée, tous le soulignent. Un paramètre qu’il sera important de bien maîtriser en solitaire !
De fait, à l’exception de VMI très typé pour les allures portantes (et qui a parcouru 376 milles en 24h !), aucun voilier du Vendée Globe 2000 n’a été réellement plus rapide que ces deux bateaux qui en revanche ont fait la différence au près. C’est dire que nombre de bateaux vont réaliser un chantier cet hiver pour optimiser les appendices…
L’écart de temps entre Virbac 2003 et Sill 2001 sur le même parcours est de ce point de vue significatif : deux heures seulement soit 16j 15h 18’ 05’’ contre 16j 13h 23’ 41’’. Pourtant, en 2001, les bateaux étaient partis avec un fort flux de Nord jusqu’à Madère alors qu’en 2003, il a fallu tirer des bords jusqu’au même archipel. Il y a eu dans les deux cas des dorsales à traverser, en particulier celle au large des Canaries qui a coûté cher à Ecover, planté dans les calmes suite à des problèmes de drisses de spi. Au final, les trois premiers arrivent en sept heures d’écart (comme en 2001) mais en revanche, il y a presque une journée d’écart entre le 1er et le 4e cette année alors que les huit premiers étaient arrivés en 24 heures deux ans plus tôt. Il faut dire que les systèmes météo n’ont pas été conciliants et les passages à niveau se sont rapidement refermés devant Carrefour Prévention ou encore Arcelor Dunkerque… Un gros différentiel qui risque d’entraîner le non classement des trois derniers monocoques de 60 pieds (60e Sud, Adecco, Tir Groupé qui doivent arriver avant mardi 25 novembre à 6h00) ainsi que des deux 50 pieds Défi Vendéen et StorageTek, Hellomoto étant attendu ce samedi après Garnier.
Dominic Bourgeois / Pen Duick
• Monocoques 60 pieds
– 1. Virbac (Jean-Pierre Dick - Nicolas Abiven) 16j 15h 18’ 05’’ soit 10,87 nœuds de moyenne sur l’orthodromie
– 2. Sill (Roland Jourdain - Alex Thomson) 16j 22h 09’ 11’’
– 3. Ecover (Mike Golding - Brian Thompson) 16j 22h 28’ 37’’
– 4. PRB (Vincent Riou - Jérémie Beyou) 17j 08h 16’ 44’’
– 5. VMI (Sébastien Josse - Isabelle Autissier) 17j 17h 12’ 42’’
– 6. Team Cowes (Nick Moloney - Sam Davies) 17j 19h 57’ 35’’
– 7. Carrefour Prévention (Dominique Wavre - Michèle Paret) 18j 12’ 54’ 40’’
– 8. Arcelor Dunkerque (Joé Seeten - Eric Dumont) 20j 04h 00’ 14’’
– 9. Loire Atlantique (Antoine Koch - François Robert) 20 jours 20 heures 37 minutes et 21 secondes
• Loire Atlantique bien arrivé…
C’est à 10 heures 37 minutes et 21 secondes TU soit à 11 heures 37 minutes et 21 secondes heures françaises ce samedi 22 novembre 2003 que le monocoque 60 pieds Loire Atlantique skippé par Antoine Koch et François Robert a coupé la ligne d’arrivée de la Transat Jacques Vabre 2003 reliant Le Havre (France) à Salvador de Bahia (Brésil). Leur temps de course pour parcourir les 4 340,3 milles (8 038 km) est de 20 jours 20 heures 37 minutes et 21 secondes à la vitesse moyenne théorique sur le parcours de 8,67 nœuds. L’écart par rapport au premier est de 4 jours, 05 heures, 19 minutes et 16 secondes. Garnier et Hellomoto, premier monocoque 50 pieds, devraient arriver dans le courant de la journée d’aujourd’hui.