Sous le vent de l’île de Gorée, la jolie carène blanche et grise de Myrialis envoie une dernière fois, passe tribord amure comme pour mieux prendre la lumière et on sent bien qu’il se passe quelque chose. Entre les pirogues et les vedettes suiveuses, voici Bertrand de Broc et Dominic Vittet, les seigneurs du jour. Voici les tontons flingueurs. Des gars qui avaient navigué… un jour ensemble avant ce Trophée BPE et qui viennent là rafler le grisbi au nez et à la barbe drue des jeunes et talentueux Charles Caudrelier et Pascal Bidegorry, arrivés 5 heures et 37 minutes plus tôt mais qui accusaient 7h30 de retard à l’issue de la première étape à Porto Santo. Devant aussi le Cercle Vert de Gildas Morvan et de Monsieur coupe de l’America, Bertrand Pacé, qui termine 2^e au général à 1h23 de Myrialis. Mais l’heure n’est pas aux calculs, ils sont faits. Elle est au plaisir.

C’est rigolo un quadra qui se lâche

Quelques dizaines de mètres avant la ligne, Myrialis fait son dernier bord sous pilote. Vittet et de Broc, Bertrand et Dominic sont debout au vent pour le salut à Dakar. La casquette virevolte, les bras s’élèvent et tirent vers le haut des sourires de bambins quadragénaires. Il y a pourtant des milles et des milles au compteur de ces deux là, des Vendée Globe, des Transat ag2r, des Tour de France à la voile, des victoires et quelques catas parfois marrants parfois juste strophes d’histoires inachevées. On se retient pour ne pas être trop lyrique, ce n’est que du bateau à voile après tout, mais bon sang ce qu’ils ont de la gueule ces deux-là maintenant dans le balcon avant de leur Figaro, à se congratuler encore et encore. Sirène, boum, c’est fini, la ligne est franchie et Bertrand n’y tient plus, il arrache son tee-shirt et plonge dans l’onde sénégalaise. C’est rigolo un quadra qui se lâche. On le comprend : dans un zodiac de la royale, il y a son Isabelle qui l’attend pour le bisou au marin. Et non, ce ne sera pas dans Gala la semaine prochaine, mais oui c’est important. Tant pis pour Mino Vittet qui va se taper seul l’affalage des voiles. On sent bien qu’il n’en veut pas à son pote. On a raison.

A peine arrivés sur le ponton des honneurs, ces deux là n’en finissent plus de se congratuler l’un l’autre. Bertrand dit : « c’est extraordinaire, on s’est croisés un mois avant le départ et on a formé un équipage top, c’est génial, on a fait une course à fond du début à la fin et on s’est révélés hyper complémentaires ». Dominic fait une analyse rapide et lucide. Il dit : « sur une course de vitesse Vitesse #speedsailing pure les petits jeunes qui font du Figaro toute l’année nous auraient sûrement devancés mais là il y a avait beaucoup de bords à tirer, d’options à choisir, beaucoup de choses à réfléchir en permanence.. et avec Bertrand on a partagé nos expériences de mer : les nuages, les oiseaux, les vagues les courants et tout ça s’est additionné au fil du temps et on a réussi à se sortir de tous les pièges ». Il en reste un : celui de la grande fête qui va forcément suivre ce soir à Dakar.

Bruno Ménard

Caudrelier et Bidégorry sont les premiers à rejoindre Dakar en début d’après midi

Photo : F.Mousis

  • Bostik Findley remporte la seconde étape à Dakar

A 10 heures 57 minutes et 25 secondes heure de Paris ce mercredi matin, Charles Caudrelier et Pascal Bidégorry ont franchi en vainqueurs à Dakar la ligne d’arrivée de la seconde étape du trophée BPE Saint Nazaire Porto-Santo Dakar. Les deux co-skippers ont passé 6 jours 19 heures 3 minutes et 20 secondes en mer pour boucler les 1150 milles du parcours à la vitesse Vitesse #speedsailing moyenne de 7.05 nœuds.

Comme pour saluer l’arrivée triomphale de Charles Caudrelier et Pascal Bidégorry, des dizaines de milans planent dans l’air soutenu de l’anse Bernard ce matin, au-dessus de la ligne d’arrivée. C’est là, dans une lumière blanchâtre striée de quelques grains qui arrosent la mythique île de Gorée, que l’étrave de Bostik Finldey fend majestueusement les vagues sénégalaises. Heureux comme des gamins, les deux marins montrent que leur science de la trajectoire n’est pas incompatible avec un sens aigu du panache et du spectacle : alors qu’ils remontaient au près pour passer la pointe de Dakar, les deux skippers se permettent d’envoyer leur grand spi juste pour le plaisir, à quelques encablures seulement de la ligne d’arrivée. Comme les pilotes de moto victorieux partent en roue arrière. Pour le bonheur des spectateurs. Parce qu’un voilier c’est bien plus joli comme ça. Les deux compères tombent dans les bras l’un de l’autre, lèvent les bras au ciel, rigolent de leur pirouette. Clic-clac, belle photo souvenir. Le facétieux Bidégorry ne peut s’empêcher de faire une grimace… Y’a de la joie. L’angoisse de Charles Caudrelier de se faire reprendre par la meute n’est plus qu’un vilain souvenir. Pascal Bidégorry, lui, a vaincu le signe indien qui l’avait vu parfois, sur d’autres courses, prendre beaucoup d’avance avant d’être trahi par la météo ou la malchance.

« C’était marrant ! »

Sur les pontons du très bel hôtel-jardin Savana, des dizaines de suiveurs rythment d’une salve d’applaudissements cette splendide arrivée. On commente largement la régularité de cet équipage-là. Bostik Findley a non seulement empoché cette étape mais aussi, par huit fois le prix quotidien du Conseil Général de Loire-Atlantique qui récompense l’équipage en tête à 10h chaque matin et quatre fois le Top Chrono ag2r qui salue le bateau ayant accompli le plus de milles en 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures . Chapeau les artistes.

« On a eu beaucoup de bonheur sur l’eau », dit simplement Charles Caudrelier quand les micros se tendent, « même lors de la première étape », au cours de laquelle une mauvaise option leur avait pourtant valu une décevante onzième place. Ils n’arriveront donc vraisemblablement pas à reprendre leurs 7h30 de retard sur Myrialis puisque Bertrand de Broc et Dominic Vittet devraient arriver au maximum vers 16h, en grands triomphateurs du classement général. Qu’à cela ne tienne. Si Pascal Bidégorry avoue qu’un moment il a cru au général « quand on avait pris 36 milles d’avance », il n’y a pas que son accent du sud ouest et son large sourire qui trahissent son plaisir : « c’est un vrai bonheur, un vrai bonheur, pour une fois qu’on termine en tête une course menée en tête ! » Le résultat bien, sur. Le plaisir aussi, toujours : « quand on longeait la première zone interdite au large de la Mauritanie, on était à bloc sous spi, à fond la caisse, je crois qu’on a fait 100 milles en 10 heures, c’était marrant ! ». Marrant, c’est ça. C’était « marrant ». Pascal a douze heures pour savourer avant de s’envoler vers Le Havre pour un autre truc marrant : La Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 sur le trimaran de Lalou Roucayrol. Charles, heureux homme, est un petit peu moins pressé. Il pourra goûter un repos bien mérité au teme de cette saison et refaire la régate à loisir avec les autres figaristes. Par exemple avec Armel le Cléac’h et Nicolas Troussel qui sont annoncés en approche de la ligne et devraient prendre une jolie deuxième place. Encore que Myrialis, Petit Navire et L’Esprit d’Equipe peuvent toujours espérer cet accessit.

BM