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Transat 650

Un mini vers le Brésil • Chris Sayer part en pirate

Un Néo Zélandais seul contre tous

lundi 8 septembre 2003Christophe Guigueno

Le Néo Zélandais Chris Sayer s’est vu refuser une place parmi les six non-Européens. Le moral au plus bas, le troisième de la Mini-Transat Mini-Transat #MiniTransat 1999 est quand même venu à La Rochelle avec son nouveau mini. Il a décidé de prendre quand même le départ… en pirate !

Sayer a de l’humour. Il a baptisé son mini ’Jocker’… pour celui qu’il n’a pas eu pour prendre le départ de la course
Photos : Ch.Guigueno / Pipof.com/voile

Le mini 403 n’est pas dans le bassin proche de l’aquarium de La Rochelle comme les 70 voiliers de 6,50 mètres de long qui vont prendre mardi le départ de la 14e Transat 650. Non, le prototype ’made in New Zealand’ est amarré au ponton visiteurs du vieux port. Seul parmi les bateaux de croisière. Pour le repérer, il suffit de comparer les espars des bateaux du coin, celui du mini de Sayer est le seul à porter des pavillons de sponsors et surtout, un pavillon noir marqué d’une tête de mort blanche. Le pavillon de la flibuste ! Sayer est un pirate. Contraint et forcé. Mais il partira. Car cela fait dix ans qu’il ne pense qu’à cela.

En 1999, Chris s’était construit un mini en bois-moulé. Un véritable coffre fort avec lequel il avait déjà couvert 7000 milles avant de rejoindre la France. Dans le coup de baston du golfe de Gascogne, le Kiwi était passé comme une lettre à la poste, surprenant tout le monde en arrivant avec décontraction en deuxième position à Lanzarote. A l’époque, se souvient Chris, "je ne comprenais pas pourquoi il y avait eu autant d’abandons !". Il y avait eu huit hélitreuillages dans le golfe de Gascogne… "Mais maintenant que j’ai un bateau très léger, je comprend un peu mieux ce que les autres ont ressenti !". L’affaire est d’actualité puisque les organisateurs de la Transat 650 ont reporté la course pour éviter aux skippers d’affronter un coup de vent de 35 noeuds (de moyenne), en plein golfe. "Mais il faut faire attention car avec ce genre de décision, certains pourront croire que l’on peut faire un mini sans penser qu’il faut aussi pouvoir affronter le gros temps." Et le gros temps, Chris Sayer, il connaît. Perdre un bateau en pleine mer aussi.

Après la Mini 1999, il est revenu en hémisphère Sud avec l’intention de se faire construire un prototype high tech et gagner la Transat suivante. Il construit alors un proto tout en carbone sur les plans de Bakewell-White. Mais lors d’une de ses premières courses, il perd tout et doit être récupéré. "On a touché quelque chose. J’étais à l’intérieur allongé. Je me suis réveillé quand ma tête a heurté la cloison ! La quille pendulaire était arrachée et pendait à près d’un mètre sous le bateau, retenue par les bouts qui permettent de la faire pivoter. Il y avait 25 - 30 noeuds de vent. J’ai pensé à couper le mât pour le faire tomber et diminuer les efforts sur la coque mais c’était pas facile. Et les bouts qui retenaient la quille menaçaient de tout arracher. Il m’a donc fallu évacuer."

Sayer seul dans le vieux port • Du tout carbone à l’intérieur

De retour à terre, Chris sait que son compte à rebours avant la Transat 650 2003 est bien égrainé. Avec le soutien de ses sponsors et amis, il décide de relancer la construction de son mini. Il est alors rejoint par l’Australienne Liz Wardley qui fait construire un sister-ship dans l’espoir de participer elle-aussi à la Mini après sa Volvo Ocean Race à bord du voilier mené que par des filles. Les nouveaux minis sont identiques au premier. Ils ont la particularité d’être équipés d’une quille pendulaire inversée. "Cela a plusieurs avantages" explique Chris. "D’abord, une quille angulée de 15° vers l’arrière ou 15° vers l’avant, cela ne change rien structurellement. Celle-ci est inclinée de 20° vers l’avant. D’un point de vue structurel, on a fait des études très poussées. La première quille s’est arrachée mais c’est parce que l’on avait commis l’erreur de ne pas estimer la possibilité d’un choc avant. Maintenant, c’est pris en compte. Comme le puits de quille est situé sous le cockpit, cela nous permet d’avoir les bouts de renvois dans le fond du cockpit et donc facilement accessibles. Cela libère beaucoup de place à l’intérieur du bateau et comme cela, le mini est beaucoup plus confortable. Enfin, le bateau est vraiment rapide au près. Lors du prologue, j’ai pu comparer avec le bateau de Samuel Manuard et on était légèrement plus rapide et on faisait un peu plus de cap !"

Quand on découvre le mini de Chris, on est immédiatement impressionné par le niveau de finition. Peu de minis à La Rochelle sont aussi bien construits. Tous les détails sont parfaitement étudiés comme le petit kiwi en carbone collé sur hublot d’entrée au niveau où celui-ci s’appuie sur le winch de roof quand il est ouvert… Les barres en carbone sont insérées dans les safrans ce qui donne une impression de finition série. A l’avant, le 403 est équipé de deux petites dérives asymétriques. Là encore, le voilier gagne en surface mouillée par rapport aux autres prototypes. A l’intérieur, pas de peinture ! Le carbone brut domine. Sur les côtés, Chris a construit deux bancs qui contiennent la mousse obligatoire pour rendre le voilier insubmersible et garantissent une meilleure rigidité longitudinale. Le puits de quille étant reculé en arrière de la cloison de cockpit, il se retrouve parfaitement ceinturé par cette cloison et le prolongement des cotés latéraux du cockpit. Le mât en aluminium aussi a été très travaillé. Il possède une double peau avant effilée ainsi qu’une autre plus longue à l’arrière. Le tout fixé par une nuée de minis rivets. Mais Chris trouve son mât encore un peu trop lourd. C’est un moindre mal car le Néo Zélandais est un adepte des spinnakers géants. En 1999, il était arrivé en Guadeloupe avec la tête de mât en point d’interrogation. Cette fois-ci le gréement est quasiment un gréement en tête pour porter toute la toile sans souci !

Si les organisateurs et la Classe Mini ne l’ont pas autorisé à prendre le départ de la course cette année, Sayer sera quand même de la partie puisqu’il va faire la course en parallèle. Il quittera donc La Rochelle mardi soir en même temps que les autres skippers pour mettre le cap sur Lanzarote puis Salvador de Bahia. Il a loué pour l’occasion une balise Argos et son père suivra sa progression au jour le jour au milieu de la flotte des officiels. Mais son fils est conscient que sans classement officiel, il sera dur de rentabiliser cette traversée. Il rêvait de Vendée Globe et de 60 pieds Open… Aura-t-il les moyens de patienter encore deux ans avant de revenir en France régater avec les autres concurrents ?



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