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Record de l’Atlantique en solitaire

Joyon prend le record de Bourgnon

6 jours, 04 heures, une minute et 37 secondes pour rallier New York au cap Lizard

mercredi 6 juillet 2005Redaction SSS [Source RP]

A 14 heures 44 en ce mercredi 6 juillet, Francis Joyon a pulvérisé le record Record #sailingrecord de la traversée de l’Atlantique Nord à la voile et en solitaire. Son temps de course : 6 jours, 04 heures, une minute et 37 secondes pour rallier le phare d’Ambrose au large de New York au cap Lizard, à la pointe occidentale de la Cornouaille anglaise, soit une distance de 2 980 milles nautiques, à la moyenne de 19,75 noeuds. Il relègue à plus de 22 heures le précédent temps de référence réalisé en juillet 1994 par Laurent Bourgnon et son trimaran de 60 pieds Primagaz. Francis et son trimaran IDEC améliorent également de près de 9 heures le chrono du record Record #sailingrecord de l’Atlantique en équipage, réalisé en 1990 par le catamaran Jet Services V et son équipage mené par Serge Madec, (record battu il y a seulement deux ans par le maxi catamaran Playstation de Steve Fossett).

« C’est trop frais, je ne réalise pas vraiment... » Francis Joyon vient de frôler le phare du cap Lizard. Il a donné par VHF sa position au chronométreur du World Sailing Speed Record Record #sailingrecord Council (WSSRC), en observation sur zone depuis la matinée. Sans vraiment ralentir, il a ensuite orienté ses étraves vers la côte française. Francis rentre à la maison. Il y a moins d’une semaine, à peine débarqué de l’avion en provenance de Paris, il plongeait sous son bateau amarré dans une marina de Manhattan, nettoyait sa carène et quittait New York sans autre civilité. IDEC s’élançait jeudi 30 juin à 10 heures 42 dans un régime de Sud Ouest très instable, et sa première journée de mer n’invitait guère à l’enthousiasme. « Il fallait se dégager du continent américain » raconte-t-il, « et entrer ensuite dans le régime dépressionnaire descendu du Nord Canadien ». Les trois journées suivantes s’écoulèrent comme dans un rêve ; le grand trimaran rouge calé dans un régime de vent fort glissant au portant, son skipper concentré aux réglages sous pilote automatique. Au 4e jour de mer, le tableau de marche d’IDEC change de dimension ; Francis revient sur le tracé virtuel de Laurent Bourgnon et son fulgurant départ de 1994. Il le déleste dimanche 3 juillet presque sans y penser de son record Record #sailingrecord de distance parcouru en 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures (543 milles au lieu de 540...) IDEC ne ralentira plus.

« C’est comme si le bateau voulait ce record plus que moi » raconte Joyon. « Nous étions en permanence entre 26 et 28 nœuds ». La 5e journée est plus stratégique. Le vent adonne et un changement d’amure est nécessaire. Passé bâbord, IDEC aborde la dernière partie de la course dans un vent de Nord Ouest toujours fort, mais face à une mer plus chaotique. Le trimaran enfourne sans ralentir dans une houle de 3 à 4 mètres et Francis doit se résoudre à barrer. Barrer, malgré la fatigue et multiplier les changements de voile pour rester dans le tempo du vent. « Il y a eu très peu de plaisir dans cette semaine de folie » reconnaît-il. « Le stress est permanent et ce chrono de Laurent (Bourgnon) me paraissait si difficile à battre que je me suis donné complètement, jusqu’au bout... ». Fatigué, heureux, soulagé... et surtout très étonné, le marin de Loqmariaquer.... Etonné de sa prestation, étonné d’inscrire en solitaire une performance supérieure à celle réalisée par Jet Services et son équipage. « Je naviguais déjà en multicoque quand Jet établissait ce temps de 6jours et13 heures qui devait rester si longtemps (plus de 12 ans), le chrono absolu pour un bateau à voile sur ce parcours. Je connais les hommes qui étaient à bord et je n’aurais jamais cru pouvoir rivaliser avec eux... »

IDEC fait route vers la Trinité sur Mer qu’il rejoindra demain matin. Extraordinaire multicoque, lancé à l’aube des années 80 pour un équipage complet, rallongé pour boucler des tours du monde ; « Je crois que ce bateau est idéal pour ce record » poursuit Francis, « Mais il m’a étonné, par son comportement extrêmement sain et ses performances au début du record dans un régime de vent plutôt faible. Je le connais bien et je décèle inconsciemment ses limites. »

D’autres bateaux, plus récents, plus modernes, d’autres coureurs s’attaqueront prochainement à ce fabuleux parcours. Francis espère juste leur avoir donné « matière à s’amuser »...


Voir en ligne : Info Fabrice Thomazeau / Agence Mer & Média / www.trimaran-idec.com


Un siècle d’histoire de records

De tous les terrains de jeu prisés par les chasseurs de records, l’Atlantique Nord (entre New York et le cap Lizard en Cornouailles Britanniques) est sans conteste le plus mythique. En équipage comme en solitaire, les meilleurs marins s’y sont illustrés, réalisant d’époustouflantes performances ou échouant pour une poignée de minutes - mais toujours au terme d’épiques traversées... Aujourd’hui, Francis Joyon inscrit son nom tout en haut du tableau d’un record qui cette année fête son centenaire.

La première performance en équipage sur ce parcours est à mettre au crédit de Charlie Barr, capitaine de la goélette Atlantic. Le fier vaisseau s’est affranchi en 1905 de la traversée en 12 jours et 4 heures, un temps de référence qui restera valable pendant 75 ans. Eric Tabarly allègera ce chrono de 2 jours en 1980 à bord de son trimaran foiler Paul Ricard, à la vitesse moyenne de 11.93 nœuds. Les tentatives vont ensuite se succéder à un rythme plus soutenu, et le record va graduellement être amélioré par les spécialistes français du multicoque au cours des années 80 : Marc Pajot, Patrick Morvan, Loïc Caradec, Philippe Poupon et enfin Serge Madec... A bord de Jet Services V ce dernier signera en 1990 une performance (6 jours 13 heures et 3 minutes) appelée à durer 11 ans ! Il faudra attendre « la » bonne tentative du plus grand catamaran du monde, alias PlayStation et ses 38 mètres, pour voir ce temps de référence exploser en 2001 : Steve Fossett et ses hommes ont en effet bouclé le parcours en seulement 4 jours, 17 heures et 28 minutes ! Incroyable chrono qui s’avère aujourd’hui très difficile à accrocher, comme ont pu le constater Bruno Peyron et ses hommes l’été dernier à bord d’Orange II... le catamaran géant du skipper français a en effet échoué pour 75 pauvres petites minutes, non sans avoir au passage amélioré le record des 24 heures (tout comme vient de le faire Francis Joyon en catégorie solo sur ce parcours).

Du côté des solitaires, notons le chrono de ce même Bruno Peyron, à bord du trimaran Ericsson, en 1987 : avec 11 jours, 11 heures et 46 minutes, le baulois inscrit un temps de référence qui ne tardera pas à être amélioré... Car l’année suivante, Philippe Poupon descend à 10 jours et 9 heures ! Il faudra néanmoins attendre 1994 et l’équilibriste Laurent Bourgnon pour que la barre des 10 jours soit franchie - et de quelle façon magistrale ! A bord de Primagaz, Bourgnon fait voler en éclats les standards connus, et s’offre un doublé Atlantique / record des 24 heures qui tiendra 11 ans ! Ellen MacArthur, à bord du trimaran Castorama, s’y essaiera en juin 2004, mais en vain... Aujourd’hui, Francis Joyon vient de mettre tout le monde d’accord en signant un nouveau record absolu en solitaire, sur un rythme effréné, améliorant pour l’anecdote le temps de Jet Services V (réalisé en équipage en 1990, et qui aura tout de même tenu 11 ans) ! Un point de comparaison qui en dit long sur la portée de l’exploit signé par le morbihannais à bord du trimaran IDEC... Une fois de plus, chapeau bas, monsieur Joyon.

Record Atlantique : les chiffres à retenir
- Parcours New York - Cap Lizard (distance théorique calculée par le WSSRC) : 2925 milles (5 417 km)
- Précédent record : Laurent Bourgnon, Primagaz, 7 jours 2 heures 34 minutes 42 secondes (Juin 1994)



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