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Vendée Globe

Vincent Riou Le-Terrible l’épaulé de Desjoyeaux

A la barre du bateau vainqueur du Vendée 2001, le Breton a surpris autour du monde

lundi 31 janvier 2005Redaction SSS [Source RP]

Vincent-Le-Terrible, ce sera son surnom depuis que Jean Le Cam a croisé sa route en descendant l’Atlantique. Epaulé par Michel Desjoyeaux et coopté par le vainqueur du Vendée Globe 2001 pour le succéder à la barre du monocoque de l’écurie PRB, il a été à la hauteur de son aîné, tout au long du tour du monde...Portrait de l’actuel leader du Vendée Globe à coup de flash back en désordre ou itinéraire d’un marin du pays bigouden.

Autoportrait au Cap Horn : Premier passage pour Vincent et à la deuxième place à l’affû derrière Jean Le Cam
Photo : V.Riou / PRB

Sans présager de l’issue du final palpitant que nous offrent PRB, Bonduelle et Ecover, Vincent Riou sera, quoi qu’il arrive, l’un des grands bonhommes de ce Vendée Globe 2004. A un rang où la plupart des observateurs ne l’attendaient pas. Certes son statut de successeur de Michel Desjoyeaux à la barre d’un PRB que l’on savait optimisé et parfaitement préparé, sa connaissance d’un voilier qu’il avait vu naître et qu’il avait mené sur plusieurs transats au cours des deux années précédant le tour du monde, le plaçaient au départ parmi les outsiders. Mais de là à dominer jusqu’à maintenant le Vendée Globe le plus disputé de l’histoire Histoire #histoire et des « clients » de la stature de Jean Le Cam et Mike Golding, tous deux à bord de machines dernière génération jugées plus performantes, il y avait une marge ! Pourtant, Vincent a fait un quasi sans faute. Orfèvre en la matière, le lauréat de l’édition 2000/2001, Mich Desj, n’en voit qu’une : « il n’y a pas photo, il a dominé tactiquement et stratégiquement ce Vendée Globe. Sauf dans le Pacifique Sud mais je trouve que c’était le bon sens marin qui commandait sa route nord pour éviter la zone de glaces. Si je dois vraiment chercher, je ne vois q’une erreur, à l’aller, dans l’Atlantique entre les Canaries et les îles du Cap Vert. C’est tout dire ! ».

Un stratège à l’école de Port-Laf’

Alors d’où vient cet extra-terrestre qui devrait pour le moins inscrire son nom au podium de l’épreuve référence ? Pas de nulle part justement. Inconnu du grand public, Vincent n’a rien d’un marin « génération spontanée ». Prenez cette qualité de stratège soulignée par Michel et que Christian Le Pape, directeur du Pôle France Finistère Course au Large de Port La Forêt dont le skipper de PRB fait partie, analyse comme une condition sine qua non pour briller sur cette épreuve : « je considère qu’en voile, il y a des visionnaires, des grands stratèges. Je pense notamment à Desjoyeaux, Cammas, Poupon. Il est clair que dans cette course, Vincent a démontré qu’il possédait cette qualité mais à vrai dire je n’en suis pas complètement surpris.

Jean-Yves Bernot (navigateur et routeur fameux qui a prodigué des cours à plusieurs des solitaires du Vendée Globe avant course, ndr) m’avait dit tout le bien qu’il pensait de lui. L’été dernier, il nous a aussi aidé lors des escales de la Solitaire du Figaro Solitaire du Figaro #LaSolitaire pour les briefings météos aux concurrents du Pôle France et ses analyses se sont souvent révélées vraiment perspicaces ». On se rappelle également que Vincent fut choisi par Desjoyeaux pour assurer le routage de son trimaran Géant dans sa Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum gagnante de 2002. Une marque de confiance qui en dit long. Un dernier exemple ? Son « coup » météo qui lui avait permis, en juin dernier, au 2/3 de The Transat The Transat #thetransat #ostar , de revenir au niveau du futur vainqueur, un certain Mike Golding. Hélas, un démâtage l’avait empêché de tirer tous les bénéfices de cette option réussie.

Pichavant et Desjoyeaux mènent à PRB

Stratège donc, excellent en météo soit. Mais pourquoi dès lors ce palmarès vierge de grandes victoires en solitaire ? « Un manque d’égoïsme » se risque Jacques Pichavant. Le responsable du célèbre chantier éponyme de Pont Labbé connaît Vincent depuis 1993. Régatier réputé du pays Bigouden, il a emmené les Stamm et Riou - à peine plus de 20 ans à l’époque - sur ses voiliers de course. « J’ai toujours cru en Vincent - se réjouit aujourd’hui ce quinquagénaire - mais pour passer un cap, il avait besoin d’être épaulé. Je suis devenu son copain et j’ai persuadé ses parents qu’il pouvait faire quelque chose de bien. Il a toujours pigé vite les choses. Il est pondéré, sait se donner des objectifs, les atteindre et ménager sa monture si nécessaire. Il possède une très bonne qualité d’analyse. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est devenu mon tacticien ».

On reconnaît là, déjà, certaines des qualités que réclame le Vendée Globe. En cette fin de 20e siècle, elles constituent en tous les cas un poids précieux pour l’équipage de Jacques Pichavant qui brille dans les classiques bretonnes telles l’Obelix Trophy ou le Tour du Finistère. En l’embauchant dans son chantier, « Piche » va révéler une autre des qualités de Vincent : son aisance manuelle et technique, son côté touche à tout sur les bateaux. Dernier coup de main de cet homme décidément providentiel : en lui prêtant son Figaro Bénéteau, il donne l’occasion à son jeune protégé de débuter dans la navigation en solitaire. Malgré une victoire en 1996 dans la Solo Télégramme, sa quinzième place dans sa première Solitaire du Figaro Solitaire du Figaro #LaSolitaire en 1998 est en deçà de ses capacités en équipage. Pichavant poursuit son explication : « C’était un garçon qui donnait beaucoup aux autres, parfait donc pour l’équipage qui l’intégrait mais cet altruisme l’empêchait également de se surpasser en solitaire ». Au-delà de cette 15e place, cette édition 1998 revêt une importance particulière dans sa carrière. Entre lui et son voisin de ponton, le courant passe. Lors des escales, les deux concurrents se donnent des coups de main. Le futur vainqueur de cette édition - on aura reconnu Desjoyeaux - a repéré Vincent. Un an plus tard la vie de Michel va basculer, celle de Vincent également.

Début 1999, l’entreprise vendéenne PRB propose à Michel Desjoyeaux la succession d’Isabelle Autissier. Quand il va s’agir de construire un nouveau monocoque et de constituer une équipe, le double vainqueur de la Solitaire du Figaro pense rapidement à Riou : « Il avait plusieurs facettes qui m’intéressaient. C’était un compétiteur et un navigateur solitaire. Et puis son expérience au chantier Pichavant, dans lequel je voyais un chantier proche de celui que mon père Henri avait fondé, constituait un atout de choix. En se révélant ingénieux, opiniâtre, n’abandonnant jamais avant de trouver ce qu’il cherche à résoudre, il confirmé tout le bien que je pensais de lui. ». Malgré tout Vincent hésite. On vient de lui proposer un vrai budget pour le Figaro. Est-ce cette qualité/défaut relevée par Pichavant qui finalement le décide ? La suite lui donnera en tous les cas raison. Une suite un peu plus connue : Vincent devient le coordinateur technique du projet PRB et un auxiliaire technique précieux pendant le tour du monde victorieux de Michel.

L’observateur trop rapide y verrait le début d’une grande carrière de. manager technico-naviguant, de ces seconds rôles indispensables à tout projet. Première méconnaissance du bonhomme qui, depuis ses débuts en Laser - on y reviendra - reste un amoureux de la compétition. Dès 2001, tout en devenant un pilier de l’écurie de course Mer Agitée nouvellement créée par Michel Desjoyeaux, Vincent retrouve le parfum de la course : saison à bord du trimaran Bonduelle skippé par un certain. Jean le Cam, 11e de la Solitaire du Figaro et 8e de la Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 avec son co-équipier de la période Pichavant, Bernard Stamm. Mine de rien, l’oiseau fait son nid et accumule les milles sur de grands bateaux.

L’épanouissement avant la révélation sur le circuit Figaro

L’année suivante confirme ses progrès, cette fois, en solitaire. Sans disposer ni de l’entraînement, ni de l’expérience du monotype Monotype #sportboats Figaro Bénéteau des ténors du circuit, il fait preuve d’une belle régularité en terminant 4e de la Générali Méditerranée, de la Transat AG2R avec Eric Drouglazet et de la Solitaire du Figaro. Ceux qui le connaissent le voient gagner en confiance, plus sûr, plus mûr encore. La réponse de cet épanouissement ? En ce milieu d’année 2002, Vincent apprend de la bouche de Michel Desjoyeaux que Jacques et Jean-Jacques Laurent ont accepté de lui confier la barre de PRB en vue du Vendée Globe 2004. Cette confiance accordée par les entrepreneurs vendéens constitue certainement le déclic final, celui qui va permettre à Vincent de prendre toutes ses responsabilités et d’affirmer son caractère et son talent. Ses bons résultats de 2003 - une année doublement importante puisque Martin, son fils, naît juste avant la Jacques Vabre - le confirment comme cette première victoire, en tant que skipper, dans la Calais Round Britain Race et le rôle majeur qu’il va tenir dans toutes les transats auxquelles il participe.

Avant le départ des Sables d’Olonne, son gréeur Jean-Marc Failler, un copain de. maternelle, est si impressionné par la nouvelle dimension de Vincent, qu’il en tire une évidence : « Quand il est parti des Sables, j’étais certain qu’il reviendrait en vainqueur. C’est la façon dont il avait préparé son bateau qui me donnait cette assurance. Vincent est capable d’intervenir sur tous les domaines. C’est ce qui fait sa force. Il voulait avoir un oil sur tout, cela a même pu provoquer à certains moments quelques anicroches avec des membres de son équipe car s’il est d’un naturel hyper calme, il est aussi très exigeant avec lui et les autres. Dans son cas, c’est une qualité ». Au départ du Vendée Globe, l’équipier modèle était donc devenu un chef d’équipe.

Technologie et amour du large

Ce n’était à vrai dire pas une première. Car 15 ans auparavant, le skipper de PRB a longuement côtoyé l’un des « monuments » de sa région : l’école de voile des Glénans. Il avait 19 ans, était venu à Drenéc, l’un des îlots de l’archipel éponyme, histoire Histoire #histoire de prendre trois jours de vacances avec un copain : il est reparti des Glénans trois années plus tard ! Entre temps, il avait abandonné ses études, était devenu moniteur et avait terminé chef de base à Penfret. Marin, pédagogue, obligatoirement bricoleur - « dès cette période il nourrit une vraie passion pour les problématiques techniques et technologiques - souligne David Marteau, le « copain » qui l’a persuadé de le rejoindre aux Glénans - il partait plus tôt chaque matin pour prendre le café avec René Coledon, l’incontournable technicien de l’école » -, chef d’équipe et gestionnaire : à 21 ans, Vincent possède déjà toutes ses actuelles qualités. A trop se concentrer sur ce tropisme océanique, on oublierait pourtant des épisodes importants de son enfance : c’est que ses parents ont le virus du voyage. Pas celui, aseptisé, des séjours organisés, mais des découvertes sacs à dos dans tous les pays du monde : « nous avons été partout, de l’Amérique de l’Ouest aux bidonvilles de Calcutta. Cela m’a marqué ». On veut bien le croire et imaginer qu’à sa passion de l’océan s’est ajouté, en héritage filial, le besoin de voyages. Or, au croisement de la mer et du voyage, on trouve le large. Vincent va rapidement le gagner en course.

Novembre 93. 13 solitaires - ce n’est pas alors une course en double - prennent le départ au Havre de la première édition de la Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 . La flotte est maigre et hétéroclite, des stars du multicoque côtoyant des inconnus. Parmi eux, un jeune homme de 20 ans à bord de « Maître Coq », un monocoque de 60 pieds étroit, sistership du célèbre 36 15 Met avec lequel Jean-Luc van Den Heede a brillé dans le premier Vendée Globe. La même année, Christian Le Pape a repéré le jeune Vincent qui a terminé 2e du Challenge Crédit Agricole, ce « concours » réputé qui permet au gagnant de disposer la saison suivante d’un budget Figaro. Il se rappelle avoir été surpris : « le cursus voile aurait voulu que Vincent poursuive sur un Figaro et sur des épreuves courtes. Or, il va choisir la plus longue des transats pour première course référence et à bord d’un grand bateau. Je crois que, déjà, cela signifiait la préférence de Vincent pour du long cours, pour des épreuves plus stratégiques que tactiques type Solitaire du Figaro. En plus, il y fut héroïque ». Ce fait d’armes qui impressionna Le Pape passa inaperçu aux yeux du plus grand nombre : à mi-course, le jeune skipper fut victime d’une importante voie d’eau. Calme, lucide il avertit le PC Course pour signifier l’avarie et dire sa volonté de poursuivre seul sans assistance extérieure. Ce qu’il fit. Un Pichavant dit aujourd’hui avoir, lui aussi, découvert à cette occasion le jeune breton.

Le « compétiteur masqué »

Dernier flash back pour comprendre la maîtrise dont il fait preuve dans la course en solitaire la plus longue du monde. Résumons les épisodes précédents : suivre son itinéraire, c’est découvrir ses qualités hauturières, sa maturité, sa technicité, cette « maîtrise logique et non pas empirique » que décrit François Laurent, un voisin de bac à sable devenu le coordinateur technique de PRB, son goût pour le large et les voyages, ses qualités de stratège, ses dons de navigateur solitaire. Reste cette « différence » qui fait un vainqueur du Vendée Globe et que le palmarès quasi vierge de « Vince » ne pouvait laissez deviner avant le départ. Cette « gnac » qu’un Christian Le Pape, pourtant bon connaisseur de l’humain, admet aujourd’hui avoir sous-estimé.

Cette « combativité masquée » qui pour Michel Desjoyeaux « doit endormir la vigilance de n’importe quel concurrent qui doit se dire : ce gars là, c’est pas possible qu’il ait la gnac et que pour ma part je n’ai découvert qu’en vivant à son contact depuis 1999 ». Cette envie de vaincre qu’ont du commencer à appréhender les favoris de l’épreuve quand au départ des Sables d’Olonne, le monocoque orange les a largement dominé sur le parcours côtier. Ce jour là, c’est le régatier qui a parlé. Le compétiteur dont ses potes d’enfance n’avaient jamais douté des qualités. Ceux-là, il est vrai, l’avaient connu excellent lasériste, une des séries olympiques les plus relevées. François Laurent, dit « Fanchig », qui courrait en planche quand Vincent était sur Laser, a vite compris le sens de cette première heure de course le long des côtes sablaises : « Ce qui se passe, je l’ai senti dès le départ. C’était superbe ! Vincent a montré sans stress qu’il maîtrisait déjà le sujet. Il est toujours à fond, je ne l’ai jamais vu baisser les bras ».

David Marteau insiste : « Tout le monde a l’air de le découvrir mais c’est un coureur de longue date ! Il faut rappeler que l’équipe du Finistère de Laser, à l’époque, c’était quasiment le Pôle National. Quand à Port Camargue pour le Brevet d’Etat nous régations sur un triangle, nous étions sur le dernier bord de près quand Vincent était déjà sous la douche ! Vincent c’était l’homme des grosses conditions, celui qui partait seul enchaîner des empannages quand le vent de 30 nouds levait une mer blanche d’écume ! ». Une dernière anecdote sur ce bouffeur de mille, cet acharné de la compétition que peu de monde a vu venir ? Elle est signée Jean-Marc Faïller et dit bien les choix profonds de l’actuel leader du Vendée Globe : « Il a arrêté l’école en première. Je me souviens même qu’il a emprunté un bateau à l’école de l’île Tudy pour aller passer son bac de français en bottes et bermuda. Evidemment, il ne l’a pas eu ». Celui que ses amis d’enfance, toujours réunis autour de lui, professionnellement ou pas, décrivent là, Jean Le Cam a appris à le connaître. Au point que de l’avoir baptisé « Vincent le Terrible ».

Info Effets Mer


Palmarès de Vincent Riou

(né le 9/01/72 à Loctudy)

2004
- 4e des 1 000 milles de Calais

2003
- Vainqueur de la Calais Round Britain Race avec PRB
- 2e de la Fastnet Rolex Race avec PRB
- 4e de la Transat Jacques Vabre
- 2e du Défi Atlantique
- 4e du Challenge Mondial Assistance à bord du trimaran Géant
- 2e du Grand Prix de Lorient à bord du Trimaran Géant

2002
- 4e de la Transat AG2R avec Eric Drouglazet
- 4e de la Générali Méditerranée
- 4e de la Solitaire du Figaro
- 6e de La Route du Ponant
- 4e du Championnat de France Solitaire de course au large

2001
- Saison sur le multicoque Bonduelle skippé par Jean Le Cam (1er du Grand Prix de Cagliari)
- 3e du Grand Prix Monocoque de Quiberon sur PRB
- 7e du Tour de Bretagne en double avec Michel Desjoyeaux
- 11e de la Solitaire du Figaro
- 8e de la Transat Jacques Vabre avec Bernard Stamm

2000
- préparateur du 60’ PRB de Michel Desjoyeaux, vainqueur du Vendée Globe

1999
- Vainqueur de l’Obelix Trophée en Figaro
- 10e et 1er Bizuth de la Solo Porquerolles
- Champion de France de Figaro en équipage

1998
- 15e de la Solitaire du Figaro
- 2e du circuit européen de Bénéteau 25
- 4e du Championnat de France de Figaro en équipage
- Champion de France de First Class 8

1997
- 12e du Championnat de France de Figaro Solo
- Champion de France First Class 8

1996
- 3e du Spi Ouest France
- Vainqueur du Tour du Finistère
- Vainqueur de la Solo du Télégramme
- Vainqueur de la mini Fastnet
- Champion de France de First Class

1995
- 3e du National Figaro

1994
- 2e du Tour de France à la Voile dans la catégorie amateur
- Vainqueur du championnat de France de Match Racing

1993
- 2e Challenge Crédit Agricole
- 6e Transat Jacques Vabre (solo)



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