Attanasiio et Béranger restent dans le groupe de tête... en position intermédiaire

Photo : F.Mousis / Transat AG2R

« Fais de la speed, fais du cap, c’est une grosse bascule... » Cyrano de Bergerac ne serait pas dépaysé à quatre jours de Saint Barthélemy, assailli de toutes parts par des lames de plus en plus affûtées et des adversaires de plus en plus coriaces. Car le vent a basculé vers le Sud-Est à Sud pour 18-20 nœuds transformant les longs surfs paisibles sous le soleil tropical et sur la grande houle de l’Atlantique en un largue serré sous petit spinnaker avec 20 à 30° de gîte, avec des vagues par le travers, un temps couvert et lourd, une atmosphère électrique et en sus, des nuits qui commencent sans lune dans le noir complet. La totale !

Au point que les équipages commencent à sérieusement sentir la fatigue qui s’accumule, surtout quand les petits problèmes se succèdent comme sur Banque Populaire : « on a cassé deux drisses hier... et un bras de spi ; ça ne fait que la dixième fois depuis le départ... Surtout que sans pilote et sans électronique, il faut que je monte Sidney en haut du mât et que je barre avec la rallonge et mes petits bras ! On commence à être au bout du rouleau côté physique surtout qu’on passe la journée à se battre dans de l’aléatoire vu qu’on n’a pas de météo précise ni de positions des concurrents régulièrement. Nous sommes au reaching depuis ce matin » indiquait Pascal Bidégorry (Banque Populaire).

Grosse fatigue et grandes déchirures

Le son de cloche est similaire sur les autres Figaro pour qui ces dernières 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures ont été musclées et sollicitantes physiquement : « La fatigue se fait sentir à bord : hier, on a mis du temps à se décider à ballaster alors qu’en entraînement, on n’aurait pas hésiter plus de cinq minutes. Le rythme de la course est très particulier car le niveau de préparation et de compétence des équipages est très élevé mais aussi très proche. Cette transat au contact use les organismes et cela peut faire la différence sur l’arrivée qui s’annonce assez délicate. » précisait Jeanne Grégoire (Trophée BPE-Saint Nazaire-Cuba).

Sur Delta Dore, ce sont les objets flottants qui ont provoqué une petite avarie de safran : « rien de grave, mais on a touché deux fois, dont une face à une tortue et l’autre on ne sait pas. La quille a pris un choc et le safran est un peu abîmé. Autrement, on est au largue serré sous petit spi avec un cap plus Sud que la route directe : on cherche à passer au plus près de la molle qui s’annonce pour ce soir. Car dimanche, on doit traverser un col (zone entre deux anticyclones) et il n’y a pas trop de choix. Soit le passage le plus facile est au Nord comme pour Cercle Vert, soit c’est au Sud comme pour Groupe SCE. C’est pour cela qu’on continue notre descente... » racontait Jérémie Beyou à la vacation du midi.

Les spinnakers ont été particulièrement sollicités la nuit dernière puisque Port de Trébeurden a de nouveau déchiré sa voile neuve (déjà réparée) et que Cercle Vert a lui aussi explosé son grand spi : « On s’est mangé le front froid ce matin, histoire Histoire #histoire de se refaire une couche d’enfer : la foudre, les grains, les rafales à 40 nœuds... Ce midi, on est déjà dans la pétole et on attend du vent de secteur Nord Ouest tournant au Nord Est dans la journée : il va peut-être arriver bientôt car on voit déjà du ciel bleu dans l’Ouest. En fait, on a choisi de couper au plus court en allumant cette nuit sous spi maxi. On espère que les gars du Sud vont toucher la pétole dans les heures qui viennent et qu’elle sera plus longue pour eux. » confirmait Gildas Morvan.

Ce choix solitaire des deux hommes verts en dit long sur la suite à rebondissement qui risque fort de se dérouler ce week-end... Car ce passage de molles peut bien se transformer en un passage à niveau et ce samedi soir, celui qui rate le train des nouveaux alizés en marche aura du mal à raccrocher les wagons à moins de quatre jours de l’arrivée ! Certains même pourraient rester en gare et voir défiler des TGV vers les Antilles. C’est donc bien dans les heures qui viennent que le podium se joue et même l’ensemble du classement car un calme, ça peut durer une heure comme une demi-journée...

Ainsi au Nord, Cercle Vert était déjà derrière le front ce samedi midi dans du vent mou tandis qu’au Sud, Groupe SCE-Le Télégramme le plus en « bas » suivi par Banque Populaire, Port de Trébeurden et une armada de Figaro à plus ou moins cent milles des leaders, naviguaient encore dans du Sud-Est puissant (20 nœuds). Quand vont-ils tomber dans la molle et combien de temps durera-t-elle ? De ces deux réponses sortira le vainqueur de ce « tac-au-tac » qui pourra toutefois donner une seconde chance au « grattage » : derrière le mou se profile des alizés établis jusqu’à Saint Barthélemy de secteur Est-Nord Est 15-20 nœuds. Or dans ce cas, il vaut mieux arriver par le Sud pour faire du largue plus rapide qu’un vent arrière en se glissant par le Nord. Là encore, il y a du tic-tac tactique pour éviter la succession d’empannages...

 Nicolas Berenger (Port Trébeurden) : « Il y a 4/5 jours on a explosé un spi et nous avons passé trois jours à le réparer, on était content et hier il n’a tenu que 12 heures et a re-explosé - Réparation qui sert à rien - Les boules !!! Arriver aux Antilles c’est le grand bonheur, avec le vent et le soleil mais après 3500 milles, non stop, c’est un peu long. C’est incroyable, on est presque arrivé, les premiers avancent..., les derniers avancent à leur tour, c’est assez homogène, les bateaux sont tous les mêmes, il y a tout un tas de choses qui fait qu’on a tous une chance de gagner. On est sous pilote pour récupérer un peu. Nous arrivons au bout, on est tous à fond, on tire à 100% sur le bateau, rien est joué. Nous marchons en moyenne 8/9 nœuds, on a 18/20 nœuds de vent, quasiment du Sud. »

 Pascal Bidegorry (Banque Populaire) : « Il y a des moments où tout va bien avec un beau temps, sans souci et il y a des moments dans la journée, c’est difficile... On a cassé pas mal de choses dans le bateau : on est au bout du rouleau, on n’arrive jamais à se reposer, on est très fatigué physiquement. Entre le coucher du soleil et le lever de la lune, il y a 4/5 heures où il à fait noir mais noir. Ca commence à être difficile pour nous. On n’arrive pas à profiter du bateau, de la mer... La route est à peu près directe, mais il y a un peu d’options à gauche, puis un peu à droite, c’est simple, celui qui va gagner aura fait ça ! »

 Jeanne Grégoire (Trophée BPE - Saint Nazaire -Cuba) : « C’est une course vraiment particulière, c’était assez fatiguant pour la préparation des bateaux et des équipages, là tout le monde attaque, mais tout peut changer jusqu’à la ligne d’arrivée. Il va y avoir de la stratégie... mais on commence à être un peu fatigué Nous sommes restées un peu au Nord, tandis que Banque Populaire et Port Trébeurden ont choisi d’aller au Sud. Le vent est entre 16/23 noeuds à 140. Il y a un peu de mer et pas de soleil. On a eu la chance de naviguer en tête, on ne voudrait pas perdre la place. »

 Christophe De Pavant (Delta Dore) : « On a tous le même bateau, tous les mêmes matériaux, on doit arriver en même temps, mais il y a des options... Le niveau est homogène. Nous avons fait une route différente mais on s’est un peu planté en allant vers le Nord ! Pour l’arrivée, l’île est plate, donc le vent ne sera pas arrêté par les collines ou autres choses. Il va y avoir une bagarre, les bateaux vont être proches, on va voir comment ça se passe... Le suspense sera jusqu’au bout ! On est assez pressé pour l’arrivée, surtout pour prendre une douche ! Après trois semaines de mer, l’esprit et le corps sont fatigués, c’est dur pour le moral, la route est longue... » indiquait Kito de Pavant et Jérémie Beyou de surenchérir : « On a un vent de 20 nœuds en moyenne. Nous sommes sous spi. Aujourd’hui on a un peu de vent mais à partir de demain dimanche, on a un passage entre 2 anticyclones - donc pas de vent ! On va essayer de garder les alizés. Dans deux jours on y verra plus clair. »