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Denis Gléhen : “pour 21 000 F de plus on va se retrouver avec un gain réel sur son bateau”

Suite du débat sur les mâts en carbone en Mini

Friday 14 December 2001Christophe Guigueno

Après Sébastien Magnen et Pierre Rolland, deux architectes navals, Ollivier Bordeau, un constructeur, voici l’avis d’un spécialistes des calculs de structures. Denis Gléhen est responsable des calculs chez HDS (Hervé Devaux Structures) à Brest Brest #brest . Il a travaillé sur les études de Club Med, de différents trimarans de 60 pieds et dernièrement de Geronimo, le maxi-trimaran d’Olivier de Kersauson. Il est aussi le co-architecte et copropriétaire de Monica Liquid, un mini tout en carbone (ou presque). Il a aussi participé à la dernière Transgascogne en… Pogo. Mail interview:

1. Quel est l’intérêt principal d’autoriser les prototypes d’utiliser un mât en carbone plutôt qu’un mât en aluminium?
- L’intérêt principal ? Bien évidemment d’améliorer les performances d’un bateau, principalement par un gain de poids (je ne parlerai pas ici des mâts ailes...). En effet, par rapport à l’aluminium, le carbone est plus léger et plus résistant.

Maintenant quelques chiffres pour rentrer un peu plus dans les détails :

A module d’élasticité équivalent (c’est ce qui nous intéresse dans un mât: la raideur), le carbone a une densité d’environ 1.6 contre 2.7 pour l’alu. Donc pour un tube de mât, hors problème de flambement de peaux et sans perdre globalement en sécurité, on passe de 2.3 Kg/m en alu à 1.4 Kg/m en carbone… A la grosse, sur un tube de mini, on peut donc estimer un gain de 10 Kg avec un centre de gravité à 5.5m dessus le pont. C’est un gain direct de 23 Kg sur le bulbe! Donc au global un gain de 33 Kg sur l’ensemble sans changer la raideur à la toile du bateau… intéressant n’est-ce pas?

Le deuxième aspect intéressant du carbone c’est qu’il est moins sensible à la fatigue... On sait qu’un mât alu, quoiqu’il arrive, démâtera un jour. C’est mécanique. Or à ce jour, la notion de fatigue dans du carbone n’est pas encore complètement mise en évidence. A priori, un carbone bien fait n’est d’ailleurs pas sensible à la fatigue.

Et le troisième aspect, mais plus anecdotique, est la possibilité d’arrêter de travailler avec des fittings (cadènes) alu ou inox rapportés mais, comme on le fait sur les gros bateaux, de faire directement les cadènes en carbone. Regardez en 60’: en 1994, cadène titanes => en 2001, tout carbone.

Mais tout cela a un coût.

2. Quel surcoût cela va occasionner par rapport à un espar en aluminium classique?
- On ne va parler que du tube (hors fittings, gréement, bdf etc....) et le tout en H.T.

Un tube alu 2.3Kg/m coûte 3200 F environ (2 700 F les 2Kg/m). Pour un tube brut carbone, il faut compter 1300 F/Kg environ (en fibre HR de base : T700S).

Si pour du carbone, nous tablons sur un profil à 1.5 Kg/m histoire Histoire #histoire de prendre du gras (cf 1ère question), on aura donc comparativement des coûts de 3200 F en alu et 24 000 F en carbone.

Donc pour 20 800 F, on a gagné 33 Kg sur son bateau (disons que le bulbe, on s’est démerdé pour le meuler tout seul... sans l’aide du chantier) => le kg gagné vaut 630 F (pas très cher).

Vient donc une autre question... sur de la structure coque/pont sur un mini, combien vaut aujourd’hui un gain d’1 Kg ?

3. Est-il possible pour un skipper de fabriquer lui-même son propre mât en carbone?
- Chacun prend ses responsabilités… Mais c’est une grosse erreur à mon avis… Un mât, c’est du preimpregné, qui demande donc un four et donc un coût élevé... En effet, en voie humide (fibre + mélange résine) , sauf astuce géniale, comment es tu sûr d’aligner les fibres a 0 ° sur 12m de long?

Bien sur, d’aucun me répondront que tout peut se faire, mais moi aussi je peux envisager de construire une fusée dans mon garage…

Pour répondre à ta question : il faut être réaliste ! Si tu veux faire un boulot sérieux qui ne va pas casser à ta première sortie, je dirais non. Chacun son métier, draper une coque c’est une chose mais un mât...

- Pour conclure ce sujet:

C’est assez marrant de voir, sous un prétexte de moindre frais, des protos de course au large être complètement bridés par une jauge imposant du mât alu. On autorise des coques, des appendices, des quilles carbone et pas un mât carbone!

Pour l’anecdote... rappelez moi la différence de coût entre une quille acier et une quille carbone au regard du gain apporté ? Alors que la, pour 21 000 F de plus on va se retrouver avec un gain réel sur son bateau.

Le mini, c’est aussi une très belle plate-forme pour faire évoluer les bateaux de courses au large. OK, je vais faire du narcissisme... Mais comment se fait t’il que depuis la quille pendulaire de Michel (Desjoyeaux), les 2 seuls bateaux sur lesquels il y a vraiment eu des évolutions soient le bateau de Brian Thompson et Monica Liquide? Il y a peut être un problème de jauge ou de moyens... non?

La jauge mini est tellement "non open" que maintenant les évolutions se font d’abord sur les 60’ et plus sur les minis… cf : les gréement textiles, les mâts ailes, l’électronique, les voiles, etc.

Je pense sincèrement qu’il serait dommage de louper le coche. Le tout est de ne pas faire n’importe quoi et de réfléchir comment "jauger" un tube carbone (vérification de centre de gravité, de poids, test de raideurs etc.). Mais globalement, c’est un réel plus sur un proto et il serait dommage de s’en passer.



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