« On les voit arriver en fin de nuit. confie-t-on du côté de Météo Consult. Les concurrents vont passer au sud d’une dorsale et connaître un changement de régime météo assez net avec une bascule franche du vent à droite. » La lecture de la boule de cristal météo s’éclaircit à mesure que sur l’eau le ciel se dégage. Seule une incertitude de taille plane encore. Le doute persiste en effet sur la vitesse Vitesse #speedsailing à laquelle les solitaires vont « débouler » sur Gijon. ETA, telle est l’éternelle question qui taraude les terriens, ne sachant plus à quel saint se vouer alors que la météo ne cesse de faire des siennes. De la pétole attendue, ils n’ont rien vu. Des orages redoutés, ils ont été épargnés !

« Sur l’eau, c’est grand soleil sur une mer plate à peine ourlée par les vaguelettes du vent », décrit-on à bord des bateaux accompagnateurs. Beau temps, belle mer. Mais sur les Figaro Bénéteau, pas le temps de se laisser aller au farniente alors que l’heure est venue de se chamailler pour de bon les honneurs en terre espagnole. Ca se corse à mesure que les milles défilent et que les étraves se rapprochent de la capitale des Asturies. Tous « au taquet » pour jouer des dernières sautes d’humeur du vent… dans l’air du temps ! Tant en force qu’en direction. Depuis ce matin, le vent fait la girouette passant du nord-nord-ouest au nord-nord est en quelques secondes, obligeant les concurrents à multiplier les empannages pour suivre l’adonnante.

Au boulot alors que la fatigue s’est invitée à bord des monotypes, compagne désignée des solitaires après trois jours de mer. On imagine volontiers que la lutte fait rage pour tirer toute la quintessence du vent, qui a promis de ne pas déserter la place. Pas d’arrêt buffet en vue. Mieux vaut tracer la route au plus vite au gré des changements de bords obligatoires. Place à une ultime course de vitesse Vitesse #speedsailing pour en finir avec les 350 milles au menu de l’étape ! « Il faut rester très attentif, le vent n’est pas du tout stable. Le nord est doit l’emporter, mais quand ? J’ai une écoute dans une main et la barre dans l’autre pour jouer de finesse dans les réglages et ne surtout pas arrêter le bateau… », confie Gilles Chiorri (32 01 de Météo Consult).

Les réglages fins, ce sont les dernières grandes manœuvres. La revue des troupes révèle que chacun s’est positionné en vue d’anticiper le coup de barre à droite. La flotte s’étale toujours sur 5 milles en longitude, au dessus de la route directe pour jouer au mieux du changement de direction du vent. Le suspense bat son plein sur les 90 milles qui restent à parcourir. En tête Charles Caudrelier Benac (Bostik Findley), talonné par Erwan Tabarly (Thales-Armor Lux) doit tenir bon. A leur droite, Vincent Riou (PRB) et Kito de Pavant (Malice) se cramponnent à 1 mille. Mais pour combien de temps face aux attaques répétées qui proviennent… du côté gauche ! Gilles Chiorri, Antoine Koch (Saunier Duval) et Armel le Cléac’h (Créaline) n’ont cessé de reprendre du terrain et doivent toucher les premiers les dividendes du vent changeant…

« On est en code rouge, la situation est très importante. Il y a eu une bascule et toute la flotte s’est retrouvée un peu encalminée. Ceux de la gauche ont gardé plus de vent. On est bien placé, c’est sûr », poursuit Gilles très alerte. Pointé troisième au classement général, il joue gros. « J’ai réussi à dormir 2 heures ce matin et je suis assez mordant. Il reste deux scénari pour l’arrivée à Gijon : soit - et c’est fort probable - tout le monde arrive avec le vent d’est et le classement à l’arrivée suit la hiérarchie du classement au large. Soit on vit une situation psychologiquement plus délicate, avec un resserrement avant la ligne. Ce sera alors au petit bonheur la chance, avec la possibilité d’avoir de grands écarts. » De quoi rajouter un peu de suspense… si besoin était !

Echos du large

 Gildas Morvan (Cercle Vert) : « Je n’ai pas fait une bonne option à Belle Ile, je me suis fait enterrer à terre, je n’ai pas réussi à en sortir. Depuis, j’essaie de recoller les morceaux et limiter la casse pour reprendre des milles et réduire au maximum mon retard avant l’arrivée à Gijon. Bon, j’en ai vu d’autres, il y a des hauts et des bas dans la vie. C’est clair, j’ai fait une grosse erreur. C’est fait, c’est fait ! Maintenant, j’essaie d’être à 100 %, il faut penser au général, il reste encore une grosse étape, et il me faut réduire l’écart par rapport aux bateaux de tête. J’ai eu beaucoup d’émotion à l’escale, avec l’arrivée d’un petit nouveau dans la famille, et oui, je pense beaucoup à eux. »

 Eric Drouglazet (David Olivier) : « Je ne suis pas vraiment là où je voudrais être… A part le soleil qui cogne, ce n’est pas une étape qui tire sur la couenne. C’est clair, il faut être dessus, avoir les bonnes trajectoires, on ne manœuvre pas beaucoup, on tire de longs bords mais on change sans arrêt les réglages… On est pas mal revenu sur la tête, on revient tranquillement dans le match. Je ne sais pas trop comment, c’est revenu par l’arrière, c’est difficile à dire. Mais à l’arrivée en Espagne, ça va être la foire ! »

Laure Faÿ